Dessiner le DÉCALCQ, premiers traits

logoLes morceaux (administration, ressources humaines, espaces de travail) tombent tranquillement en place. Ca démarre donc tout aussi tranquillement, mais là, décidément, ça va vers l’avant. Un centre de recherche sur la littérature et la culture au Québec prend conscience de ses fonds documentaires, des outils développés, des stocks de fiches / articles / références / grilles d’analyse entreposés par les chercheurs à Québec, à Montréal, dans des universités participantes. Trouver à saisir ces fonds documentaires, les structurer, les pérenniser, les diffuser. Voilà le (gigantesque) objectif que se fixe le CRILCQ, à travers le projet DÉCALCQ : Dépôt électronique et vitrine de consultation des archives en littérature et culture québécoises. Et je prête mon intérêt pour la technologie et les enjeux de diffusion pour mener la barque.

Le DÉCALCQ constitue le projet central (mais pas unique) du « Laboratoire Ex situ. Études littéraires et technologie », mis en place grâce à une subvention d’infrastructure sur quatre ans. Principale thématique : les outils pour la recherche et la diffusion des savoirs en SHS. Moyens modestes, temps disponible limité (puisqu’en parallèle de recherches sur la littérature contemporaine et la théorie du récit), mais néanmoins : plateforme d’expérimentation, qui se lie à des projets apparentés (NT2, CLÉO, etc.).

Les prochains billets seront l’occasion de lancer les problématiques sensibles interpellées par le projet DÉCALCQ : logiciels de dépôts institutionnels, opposition entre dépôts institutionnels et dépôts thématiques, droit d’auteur et diffusion en ligne, protocoles d’interopérabilité, pérennité du référencement des documents numériques… Le projet est complexe, tentaculaire. Il s’alimente toutefois aux enjeux actuels posés par les politiques d’open-access, par le livre numérique, par les projets de numérisation, par Google Books tiens… Vos suggestions, remarques et encouragements seront les bienvenus!

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La fabrique du numérique 2010

mash2À Québec, le 26 février 2010, tenue d’une journée en  formule bookcamp :

« La fabrique du numérique. Édition littéraire et scientifique »

Avec moi : Éric Duchemin (revue VertigO, prof. associé UQAM) et Clément Laberge (De Marque), pour coordonner l’événement.

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L’idée précise a jailli quelque part au début de l’automne, même si ça grenouillait dans plusieurs esprits. Différents concours de circonstances appuient ce jaillissement. Mais c’est surtout un désir qui nous y pousse.

Désir, d’abord, de se rencontrer. Large milieu, celui de l’édition, mais pas uniquement : des gens du numérique, des vaillants qui piochent de façon indépendante, des créateurs, des universitaires. Milieu québécois, mais aussi nord-américain, européen — les affinités, voire les amitiés dépassent les frontières, et ça se transforme en collaborations transversales, qu’importent à priori les différences de législations, les spécificités culturelles. Plusieurs veulent simplement travailler, mieux comprendre, mieux tirer profit de nouvelles opportunités.

Désir ensuite d’élargir le cadre habituel de discussion. Les événements se sont multipliés dans les derniers mois (et ça ne s’arrêtera pas là!) pour discuter, encore et encore, du livre électronique. Mais en parler d’une façon bien spécifique, sous des angles très précis : cadres législatifs, possibilités technologiques et formats de fichiers, enjeux économiques. Nécessaires, ces événements, mais généralement on y tourne en rond.

Alors, pour contribuer au débroussaillage, deux paris.

Le premier pari : faire de cette journée la combinaison d’ateliers pratiques, d’échanges entre gens qui ont les mains dans le cambouis, de formations… ce qui répond aux besoins des gens qui s’y collent. Pas le lieu de flamboiement institutionnel, de guerres de clocher, d’énoncés de politiques.

Deuxième pari : définir autrement le cercle des participants. Trop souvent les technos sont-ils seuls à discuter.

En amont, il faut faire une place aux auteurs / créateurs, qui sont les premiers investisseurs du numérique. Quelle vision ont-ils des possibilités technologiques du livre numérique ? Quels bouleversements dans le rapport avec l’œuvre en élaboration ? Comment concevoir cette œuvre ouverte à réécriture, à expansion perpétuelle ?

En aval (ou de côté), le monde académique. Tout l’univers du discours savant, s’il est pris en compte dans la réflexion sur la révolution numérique, l’est généralement de façon isolée, comme si c’était un monde complètement à part. Les revues savantes, les monographies, les ouvrages collectifs, les actes de colloques sont également frappés par la vague numérique, et le discours savant est soumis à la pression d’une diffusion plus grande, plus large, plus accessible. D’où les initiatives de blogues scientifiques, de wikis académiques, de diffusion horizontale des résultats de recherche. Pourtant, les enjeux d’écriture et de références croisées, de stabilité des objets numériques, de diffusion sont à peu de choses près identiques à ceux de l’édition générale ; la déclinaison est certes spécifique, avec des classes d’usagers aux pratiques de lecture différentes, mais le modèle éditorial en amont, lui, est partagé.

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La formule précise de l’événement, même si on a le cadre global en tête, reste à déterminer. Quelles sont vos attentes, vos besoins ? Vous avez des idées, des suggestions, des propositions d’ateliers ou de formations ? Laissez des traces : ici ou sur le blog de Clément, par courriel, sur Twitter (@remolino, @reneaudet), sur une plateforme de discussion consacrée à l’édition numérique… on recueille vos propositions, on sollicite à gauche et à droite, puis on vous revient avec un pré-programme dans quelques semaines.

Raccourci vers la présente page : http://tiny.cc/fabrique

(image : mashup de Sean McTex, « At A Loss for Words », licence CC et Geeky Wrapping Paper sur ThinkGeek)

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Perdre Goliath dans les nuages (surcoucher Google Books ?)

J’ai traversé, comme plusieurs, la synthèse précieuse d’Olivier Ertzscheid (sur affordance.info) à propos de Google Books. Bien des enjeux me dépassent (et nous dépassent). Mais j’ai accroché sur un point précis, qui relance mes réflexions périodiques sur la fonction de filtre dans la sphère internet et l’interface que constituent les chercheurs dans le rapport avec le savoir.

L’obstacle du Good Enough

Dans son article, Ertzscheid rappelle bien le principe gouvernant la numérisation et, de façon plus spécifique, l’établissement des métadonnées liées aux documents numérisés. Il a été démontré par plusieurs, et avec force, que les erreurs sont nombreuses, voire endémiques dans les métadonnées constituées par Google Books. Si le commun des mortels s’en balance un peu (hum, beaucoup), la communauté scientifique reste préoccupée, en raison de la précision déficiente des renseignements, de la perspective tronquée sur le corpus numérisé… Mais plusieurs s’en remettent à l’idée que c’est mieux que rien — c’est là ce que résume d’Ertzscheid.

Il poursuit néanmoins en y voyant là un enjeu politique (au sens large) :

La question est de savoir si ce rêve que l’humanité poursuit depuis son origine, c’est à dire offrir à tous et en un même lieu l’ensemble des connaissances disponibles, si ce rêve aujourd’hui à portée de souris doit se satisfaire d’un « pas trop mal » et d’un « mieux que rien ». A chacun de se déterminer. Mon avis ? Mon point de vue est qu’il faut se servir de la formidable opportunité offerte par Google pour renforcer le rôle de la prescription et de la médiation publique du savoir et de la connaissance. Je ne parle pas ici de prescription « publique » par opposition à une prescription « privée » mais bien par rapport à une prescription « commerciale ». Si le politique (cf supra) ne relève pas ce défi c’est sans ambage et sans lyrisme déplacé la mort programmée de la diversité culturelle, et peut-être même celle de l’éducation à la diversité. Pour le reste, cessons de rêver : on ne contrera plus Google sur la numérisation ni même sur le commerce des livres.

La résignation gagne les troupes : c’est David contre Goliath, et Goliath a vaincu sur un plan — le caractère massif de son aire d’occupation du territoire. Personne (ni même la BNF) n’arrivera à sa cheville en volume et en vitesse de numérisation. Mais l’insatisfaction reste, tant du point de vue des droits (le combat se poursuit) que du point de vue de la qualité de la documentation produite/rendue accessible. D’où cet appel à une prescription publique.

Une métadonnée en chasse une autre (la complète, en fait)

La question reste donc de définir cette prescription publique : il ne s’agit pas, comme le laisse comprendre Ertzscheid, de politiques et de lois, mais d’action collective. Au delà de l’utopie première, comment donner forme à cet engagement pour contrer Goliath ?

La question se pose plus facilement du point de vue technique et scientifique. Le problème de Google Books, notamment (!), c’est en quelque sorte de ne pas perdre des données (des volumes entiers) dans le néant… Tout bibliothécaire vous le dira : un livre mal classé ou mal indexé peut être perdu à jamais. C’est un cas extrême, mais néanmoins envisageable dans le spectre des erreurs liées aux métadonnées des livres numérisés. De façon plus commune, c’est de ne pas pouvoir accéder au livre recherché parce que mal associé (mauvais tags attribués), c’est d’avoir une information fautive sur un livre. Et « Google, tout en étant conscient de ces erreurs, « ne considère pas leur rectification comme prioritaire » » souligne Ertzscheid, à la suite de Geoffrey Numberg ; n’imaginons pas que G. nous laissera davantage jouer dans ses codes et nous laisser les rectifier.

À défaut d’agir directement sur la source du problème, pourrait-on la contourner ? Je m’amuse là à émettre une pure hypothèse (on voudra bien me dire si techniquement c’est réalisable). Il s’agirait d’ajouter une surcouche de métadonnées à Google Books, lesquelles seraient exactes, validées et utilisables par le discours scientifique. Par un effort commun, nous pourrions constituer une interface normalisée gérant les métadonnées de la documentation scientifique, laquelle serait accessible dans Google Books dans un second temps. Comme tous les volumes sont basés sur des protocoles standardisés (à tout le moins le classique ISBN), il serait aisé d’offrir des outils permettant d’interfacer GBooks… Par Zotero, par OpenLibrary, voire par LibraryThing, des communautés scientifiques pourraient surcoucher Goliath, et ainsi le laisser se perdre dans ses nuages. GBooks resterait évidemment une couche obligée (dépositaire du contenu numérique convoité), mais on n’y accéderait que dans un second temps, pour obtenir ce contenu brut.

Des limites, pour sûr : pas nécessairement accès aux requêtes dans les textes (encore que…), pas d’accès direct à la banque d’indexation, mais tout de même : la possibilité de gérer l’information, de baliser l’accès, de filtrer la documentation. Car l’enjeu s’y trouve : si les bibliothécaires se prêtent à la mutation de leurs fonctions, c’est tout à fait là qu’ils se trouvent — interface / filtre qui permet d’accompagner des usagers, des chercheurs, des lecteurs dans leur exploration du monde du savoir.

Hypothèse futile ? projet utopique ? Surcoucher Google Books, ce serait lui ajouter le fini qui lui manque (voire la crédibilité qui lui manque en contexte scientifique) : beau rêve, qui refuse la simple démonisation du projet (et l’hypocrisie d’un usage une fois le dos tourné) ; utopie collective à explorer… sous cette forme ou sous une autre.

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Œuvre numérique (littéraire et savante) : quels paramètres ?

Depuis quelque temps me reste en tête l’idée d’un parallèle entre les modalités et besoins liés à l’œuvre numérique. Pourtant, pour moi, impossible de penser l’œuvre numérique sans en envisager les deux versants : l’œuvre littéraire (ça nous libérera du joug du terme de « livre ») comme existence numérique des pratiques littéraires et l’œuvre savante, qui renvoie au discours académique / scientifique, qu’il prenne la forme de monographies, d’articles, de revues, etc.

Deux manifestations de l’œuvre — cette notion qui renvoie à un projet qui a son identité propre —, mais dont je sens que les enjeux ici se rencontrent, là divergent sensiblement. J’ai tenté une première mise à plat de ces paramètres… ma façon à moi de tenter de saisir ce qui se passe, en parallèle du projet de bouquin de Marin et de Pierre sur l’édition électronique, des initiatives variées d’édition savante en ligne, des discussions interminables sur l’avenir du livre à l’ère des nouvelles technologies (elles sont nouvelles ? ah bon…).

Portrait comparé donc, bien préliminaire, mais qui gagnera à être soumis à vos lumières. Section commentaires disponible pour vos remarques.

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