Y aura-t-il dialogue ? (@RLabeaume, @CSt-Pierre)

3134874243_ce6870e16f_mJe me joins à la voix de quelques têtes bouillonnantes de Québec pour interpeller le maire Régis Labeaume et la ministre Christine St-Pierre, dans le dossier de la culture à Québec pour les prochaines années. Le sommet Québec Horizon Culture permettra d’initier le mouvement de réflexion collective sur cette problématique, mais il ne faut pas compter sur ce seul événement pour gérer la question définitivement…

Par ailleurs, l’obsession économique de la culture qui entoure l’horizon constitue une paire d’œillères assez phénoménale, qu’il faut trouver à contrer : un vrai dialogue est attendu, et les interlocuteurs, de ce côté-ci, sont ouverts.

Vos voix doivent se joindre aux nôtres si vous partagez ce souhait de poursuivre des échanges réels entre les milieux culturels, politiques, économiques et technologiques — signalez-le dans les commentaires ou republiez vous-même la lettre. Un message clair doit être envoyé aux dirigeants…


 

 

 

 

Madame la Ministre,

Monsieur le Maire, 

Vous coprésiderez dans quelques jours Québec Horizon Culture — un rendez-vous auquel ont été conviés artistes et leaders culturels, gens d’affaires et de technologie, citoyens et élus pour échanger sur leur vision et sur les moyens à mettre en place pour favoriser le développement culturel de la capitale.

Jeunes, entrepreneurs, créateurs, travailleurs dans le secteur de la culture, de l’éducation ou des technologies, voyageurs, nous avons été interpellés par votre invitation et plusieurs d’entre nous seront présents au Centre des Congrès lundi prochain. Vous avez suscité chez nous de grandes attentes parce que nous espérons que cet événement marquera le début d’une nouvelle approche du développement de notre ville.

Nous nous réjouirons bien sûr des annonces qui pourront être faites à l’occasion de l’événement, pour l’ensemble de la ville et pour le quartier Saint-Roch, en particulier. Nous ne doutons pas que les institutions et les organismes qui s’en verront gratifiés le méritent, mais nous espérons plus. Nous espérons aussi autre chose.

Nous espérons vous entendre dire que le rôle des leaders politiques et des institutions n’est pas de réfléchir à la place des citoyens, mais de les aider à imaginer et à créer ensemble l’avenir de leur ville. Nous comprenons qu’il vous paraissait nécessaire de procéder dans le secret pour mettre Québec Horizon Culture sur les rails, mais cela nous semble une manière anachronique d’exercer le leadership.

Nous espérons que la négociation institutionnelle et la consultation de vos réseaux d’influence traditionnels sont maintenant achevées et qu’un dialogue direct et continu avec les créateurs, les artistes, les entrepreneurs et les citoyens en général pourra débuter. Nous espérons qu’à l’instar de nombreux leaders modernes, vous vous appuierez notamment sur Internet pour tirer profit de l’intelligence collective des citoyens — et que vous vous inspirerez pour cela des meilleures pratiques en vigueur dans le monde.

Nous espérons que tous les citoyens de Québec seront invités à monter à bord du TGV Québec Horizon Culture et que nous ne découvrirons pas qu’il s’agit seulement d’un nouveau convoi de marchandises à l’allure revampée. Nous espérons aussi que des mécanismes de suivi seront mis en place, dès la semaine prochaine, afin de s’assurer que les attentes suscitées pourront être comblées.

Vous savez tous les deux faire preuve d’une très grande énergie et d’une impressionnante capacité pour lancer des projets. Nous avons de la fougue et de l’énergie et nous souhaitons pouvoir les mettre à contribution pour la mise en œuvre du plan d’action qui sera issu de Québec Horizon Culture — pour autant qu’on puisse s’en sentir partie prenante.

Il ne s’agit pas tant pour nous de trouver à se faire entendre le 16 février. Nous visons plutôt à formuler dès maintenant notre souhait de prendre part à une véritable conversation au sujet de l’avenir de la Capitale. Et, pour cela, nous croyons que l’essentiel est de relier les gens de façon innovatrice, de faire se rencontrer des idées et de permettre l’émergence d’un futur dans lequel nous souhaiterons investir toute notre vitalité et notre créativité — plus encore que d’organiser une autre rencontre au sommet.

C’est sur cette ouverture que nous avons le plus envie de vous entendre et de vous voir poser des gestes — en particulier pour faire en sorte que chacun ait les moyens de prendre part à cette conversation et que survienne la rencontre tant souhaitée des milieux de la culture, de la technologie et des affaires.

Vous pourrez dès lors compter sur nous.

Jean-Sébastien Bouchard, Associé fondateur, Grisvert
Julie Marie Bourgeois, travailleuse culturelle
Michael Carpentier, Associé fondateur, Zengo.ca
Philippe Dancause, Associé fondateur, Grisvert
Clément Laberge, Vice-président Services d’édition numérique, De Marque


 

 

 

Vous voulez joindre votre voix ? Signalez-le dans les commentaires.

 

(photo : « Concrete Dialogue & Him », Moti Krispil, licence CC)

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(fiction) Une ville invisible

image-1Après la longue remontée de l’estuaire marquée par les murmures et les coups de rame du passeur, j’arrive au milieu de la nuit dans la cité de Sophia. Perchée sur un promontoire, résistant au vent comme une colonie de moules sur un rocher battu par les marées, elle se détache de la noirceur par une sorte d’aura verte, relent d’une nature avide de renaître malgré l’hiver bien installé.

Mes premiers pas dans la cité me font arpenter des rues étroites, ici bordées par d’antiques demeures, là aseptisées par un enchaînement de grands immeubles vides de sommeilleurs, là encore enfouies sous des vagues de neige. Je découvre un milieu favorable à la vie, malgré la rigueur apparente du climat ; les habitants sont en toute évidence maîtres chez eux et enclins à le demeurer.

Sillonnant cette cité nocturne, je me dis, sans crainte de me tromper, que le jour doit être ici trépidant, tant les nombreux signes inscrits dans la pierre des édifices, les installations et moulages plantés aux endroits les plus inattendus et les résidus d’images extérieures laissent entendre une grande vitalité de ses habitants. Je peux lire dans ces traces, malgré l’inanition momentané des lieux, le bouillonnement vif et bigarré de la collectivité. « Quelle grande réussite, quelle capacité de conduire les gens hors d’eux-mêmes et de proposer des incarnations de leur propre vision du monde… » À livre ouvert, la Sophia de la nuit se laisse découvrir par ce qui la distingue de toute autre cité de l’empire.

Transi dans la nuit qui tranquillement s’éclaire de la lueur de l’aube, j’entre pour me réchauffer dans un casse-croûte où je réfléchis à ce que je viens d’observer. Me prenant à évoquer à voix basse ces découvertes et à exprimer ma stupeur, un vieux barbu étire son menton hors de l’ombre de sa tasse de café fumant. À son invite, je lui manifeste mon admiration à propos de la capacité de la cité à se construire aussi magnifiquement. « La cité ? », répond-il, surpris. « Mais ce que vous voyez est pourtant l’issue d’une histoire mouvementée, vous savez. »

Érigée sur les ruines d’époques antérieures et de régimes politiques alternés, me raconte-t-il, Sophia voit sa modernité se dessiner dans la volonté de ses habitants de maîtriser leur destinée — leur premier geste a été de vouloir définir et investir leur discours, leur image, leur vision. 

C’est en réponse à cette aspiration que se sont regroupés les grands Mages. Ils ont cherché dans la démesure l’idéal de leur collectivité. Imaginant d’immenses fresques, ils ont voulu peindre leur passé glorieux et la splendeur de leur milieu de vie. Ils ont construit de superbes presses, destinées à la diffusion des pages les plus nobles et les plus pures. Ils ont souhaité faire entendre, sous la direction de maîtres, les mélodies qui séduiraient toutes les collectivités environnantes. Le destin de Sophia ne pouvait être envisagé sous un meilleur jour.

Mais alors que les presses rouillaient par manque de mots à reproduire, que les couleurs refusaient de rendre l’image du passé et que l’on comptait plus de chefs d’orchestre que de musiciens, au profond désespoir des Mages, les petits Acrobates poursuivaient leur routine de contorsions et de voltige. C’est sans surprise qu’ils renversaient la boîte de caractères des imprimeurs et se mettaient à galoper sur ces minuscules échasses à travers la cité, laissant des chemins de mots derrière eux. Certains d’entre eux ont un jour empilé des blocs autour de quelques pacifiques arbres, soudant les constructions inertes à la vie cyclique de la cité. Du haut de leur tour, ils ont repéré des nids d’hirondelles à flanc de colline, où d’autres ont installé des boîtes à voix et des machines à ombres.

Peu à peu, les Acrobates ont pris l’habitude de se raconter leur vision de projets farfelus ; les uns ont réécrit les mots des autres ; certains ont même su inviter et faire entrer des Mages dans la danse. La cité s’est trouvée habitée par des œuvres lumineuses ou virtuelles, conjuguant le tissage de l’espace et les vibrations euphoniques. Dans le renouvellement constant de ses visages, elle apparaît maintenant insufflée de la vie même de ses artisans.

Malgré l’impulsion nouvelle souhaitée par les Mages, le désir profond de la cité de trouver à s’exprimer s’est d’abord révélé comme un ressassement du passé, de ses clivages et de ses égarements. Et c’est grâce aux Acrobates que la Sophia d’aujourd’hui trouve ses fondements dans les esprits éveillés de tous ses habitants et dans le partage de leurs illuminations.

Posant un fond de café maintenant refroidi, le vieux barbu se lève et marche d’un pas leste vers la sortie du casse-croûte, frottant ses mains caleuses sur son habit tout barbouillé de peinture. Je n’avais pas remarqué, pendant notre conversation, à quel point il est de petite taille.

*  *  *

L’Empereur — Quelle riche cité ce doit être… tant de vie, tant de réalisations…

Le Découvreur — Qu’importe l’or… Sophia a bien démontré que sa richesse réside dans la communauté que forment ses habitants, Mages et Acrobates, dans leur ouverture et leur collaboration. La parole reste dans la cité la monnaie d’échange capitale.

L’Empereur — Mais ce n’est pas une ville parmi 56 autres… Il faut la révéler, en faire le point de convergence de tous les citoyens de l’empire…

Le Découvreur — C’est là, cher Empereur, une illusion de votre part. L’essentiel de cette cité est invisible pour les yeux de qui n’y habite pas. 

Sur ces mots, le Découvreur s’évanouit devant les yeux de l’Empereur, qui reste avec pour seul témoignage de Sophia cette chinoiserie d’histoire.

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Ask for money, you’ll get advice — le sort prévisible de Québec Horizon Culture ?

Clément nous offre un compte rendu précieux de la rencontre préparatoire (non officiellement,  mais techniquement oui) à Québec Horizon Culture, à savoir le débat Participe présent tenu hier au Musée de la civilisation, qui portait sur cette culture au centre de l’événement, mais sur laquelle il n’y a pas nécessairement consensus, quoi qu’on veuille bien projeter.

Ce qui me frappe, c’est la lecture un peu ébahie des acteurs du milieu (là on en avait, même si ça reste encore de la strate de la gouvernance, mais en plus rapprochée) devant la machine politique qui se met en place pour l’événement Québec Horizon Culture. Une machine à mobiliser de force le milieu des affaires pour l’impliquer dans la survie du momentum culturel que Québec 2008 a pu créer — d’ailleurs un peu à l’étonnement de tous. Et les constats d’un arrimage problématique fusent : qu’en est-il de la médiation culturelle ? du monde de l’éducation ? de la diversité culturelle ? d’une vision qui dépasse le simple buzz pour un SoHo-St-Roch techno-bouillonnant ?

Les questions et observations de Clément sont fort justes, notamment sur le fait qu’il faille trouver à susciter un engagement. Mais ma plus grande crainte, c’est qu’à vouloir jouer à jeu ouvert, on perde nos atouts — ou qu’on perde le goût de jouer… Ask for moneu, you’ll get advice : le milieu des affaires entrera-t-il vraiment dans la danse, avec une invitation aussi explicite à mettre la main dans leur poche ? Pour le dire autrement : le sentiment d’appartenance, l’engagement, le sens du devoir envers la communauté est-il suffisamment fort chez les gens d’affaires de Québec pour permettre de contrer cet appel du pied un peu trop indélicat à leur endroit ? Ou certains comprendront-ils qu’il y a une rentabilité liée au geste (cf. cette allusion de Simon Brault aux fiscalistes qui devraient repérer l’avantage de l’investissement culturel) ? Ou simplement encore certains auront-ils le sentiment qu’on ne fait encore que discuter ? J’aimerais croire à une forte mobilisation, à des scénarios optimistes, mais je crains pour l’instant que des ordres de discours peu compatibles se rencontrent : des visionnaires par ci, des politiques par là, des acteurs du milieu encore là, puis des gestionnaires tout autour.

Pour le moment, l’idée qui me vient à l’esprit, ce serait de faire un témoignage sous forme de récit — d’incarner mon propos à travers des personnages et des lieux, dans une ville imaginée; inspirante. J’aurais envie d’aller raconter une courte histoire…

Raconter une histoire pour susciter l’engagement : ça peut être une avenue, oui, je te suis là-dessus Clément. En autant qu’il y ait de l’espace pour entendre un tel discours, que le chantier du 16 février soit véritablement ouvert (et non simplement du speed-dating de mécénat forcé).

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La culture à Québec… et notre engagement alors ?

* Lettre ouverte à mes collègues universitaires : CRILCQ (site U.Laval) et filière e-culture, ITIS *

Chers amis, chers collègues,

L’événement a été annoncé, il se tiendra dans quelques semaines à peine, là-bas, en dehors de nos murs. Québec Horizon Culture. On y parlera de culture, de culture… et d’économie. Le plan d’action, vous y avez jeté un œil ? Il me paraît sinon peu inspirant, à tout le moins bien vertueux.

De quoi parle-t-on ?

Heureux site qui voit enfin le jour… mais on y parle davantage d’économie que de culture. Parmi les quatre textes de la section Documentation du site, trois sont liés aux impacts économiques de la culture et aux modalités d’aide financière dans le cadre d’un partenariat CALQ-Conférence régionale des élus de la Capitale-nationale. Et dans le plan d’action, la question du soutien (entendre : financier) et de la création d’emploi accapare directement ou indirectement la plus large part du discours.

Loin de moi l’idéalisme d’une culture qui puisse exister sans infrastructures, sans soutien gouvernemental. Le financement est chose nécessaire, mais selon quelles orientations ? favoriser un développement général, au petit bonheur ?

Je ne vois pas de vision dans ce débat, dans son balisage actuel (la liste des partenaires est quelque peu étonnante, encore une fois par la dominante commerce et gouvernance). Quelle orientation pour un développement culturel à Québec ? Pour le dire autrement : qu’y aura-t-il de singulier dans cet élan insufflé à la culture dans la ville de Québec, qui la distinguera des initiatives culturelles de toute autre grande ville de la province, du pays ?

L’image du tabouret à trois pattes est révélatrice : créer un bouillonnement en rapprochant des acteurs complémentaires (financièrement parlant). Est-ce là la seule visée de l’événement ?

Qui parlera ?

Dans ce débat à venir, je me demande qui sera là, qui parlera… où sont les acteurs du milieu culturel dans la liste des partenaires (mis à part le Conseil de la culture, organisme à visée de représentation des artistes et organismes culturels) ?

De façon corollaire (d’où cette lettre ouverte), quelle place souhaitons-nous prendre comme universitaires dans cette économie de la culture (c’est de ça, apparemment, dont il est question) ? Nous revient-il simplement de préparer de nouvelles générations à s’investir dans cette culture développée à grands renforts de partenariats avec le privé ? Ou la recherche sur la culture doit-elle s’inscrire intimement dans cette réflexion et dans ce développement ?

La question est faussée et annonce ma position : je ne crois pas qu’on doive perpétuer l’image des chercheurs dans leur tour d’ivoire. Mais comment arrimer la réflexion universitaire sur la culture à un milieu en pleine effervescence ? Comment jouer, comme universitaires et intellectuels, un rôle dans la cité lorsqu’il est question de développement culturel ? On nous donne, par cet événement, un possible droit de parole ; est-ce que nous nous en prévaudrons ?

Il faut en parler, de toute évidence. Je me joins à cet appel à participation lancé par Clément. S’engager dans la réflexion, dans la discussion, au moins pour faire le bilan de notre engagement dans la culture de notre milieu. À vous la parole.

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18 mars : A Day in the Life of the Digital Humanities

Initiative de l’équipe de Geoffrey Rockwell : The Day in the Life of the Digital Humanities. Tout simplement : un instantané commun d’acteurs du milieu des digital humanities, donc par eux et sur eux.

A Day in the Life of the Digital Humanities (ADLDH) is a community project that will bring together digital humanists to document what they do on one day, March 18th. It is an autoethnography project by digital humanists about the digital humanities. The goal of the project is to create a web site that weaves together the journals of the participants into a picture that answers the question, “Just what do computing humanists really do?” Participants will document their day through photographs and commentary in a blog-like journal. The collection of these journals with links, tags, and comments will make up the final work online.

Geek-erie, très certainement… mais avec une vocation de vulgarisation, de diffusion, de réflexion commune.

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