Contaminer le web (par des nouvelles littéraires, rien de moins)

Le projet Tumbarumba est un plugin de Firefox qui intervient de façon malicieuse en insérant un segment textuel aberrant dans une page web que vous visionnez… de là, en cliquant, d’autres segments apparaissent et vous pouvez lire une nouvelle littéraire entière.

Our intention is for the reader to not only have the pleasure of finding and reading the stories, but also the momentary disorientation of stumbling upon a nonsensical sentence as well as a heightened awareness of textual absurdities (of which only a fraction will be the result of Tumbarumba).

Performance artistique, couplée avec une production littéraire. Chouette.

(via The Book Oven Blog)

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Réinventer la lecture, vraiment ?

Michel Dumais, journaliste et chroniqueur sur les technologies, proposait récemment un article dans son carnet sur la réinvention de la lecture, à partir de la présentation du personnage qu’est Mark Bernstein. Son propos se construit tranquillement jusqu’à s’interroger sur la nature même des œuvres (et du type de lecture associé à ces œuvres).

Alors que le livre électronique et la lecture en ligne sont de retour sous le radar, il convient de rappeler l’existence d’un outil de création comme StorySpace. Qu’il soit papier ou pixel, le livre reste un livre, avec une structure linéaire. Je lis du début à la fin. De la page 1 à la conclusion. Pourquoi le processus de lecture lui-même n’évoluerait-il pas, afin de profiter des possibilités offertes par le réseau?

Comme quoi les problématiques hypermédiatiques peuvent sortir du champ littérairo-universitaire… Ce qui est en soi une bonne nouvelle.

Je me suis permis de lui laisser un commentaire développé sur ma perception des enjeux logiciels et lecturaux, que je reprends ici.

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Difficile de croire à un destin bien rose pour des solutions propriétaires comme StorySpace… le logiciel a connu ses années de gloire — quelle révolution dans les années 80! —, mais maintenant on se retrouve avec des productions plus complexes dans la manière d’enchaîner les blocs de texte et plus raffinées dans les rendus graphiques, et surtout avec des équipes techniques « disponibles » pour offrir la plateforme appropriée pour une œuvre singulière. StorySpace, dans ce contexte, me paraît aujourd’hui dépassé. A tout le moins, il ne peut guère s’agir de l’outil pour finaliser une oeuvre de littérature hypertextuelle/hypermédiatique ; il pourra être très utile au moment de l’écriture initiale toutefois (ce qui, il faut l’avouer, fait généralement défaut dans les oeuvres, parce qu’elles sont d’abord un terrain de jeu technologique plutôt que littéraire…).

Je suis critique par ailleurs sur les prétentions générales de réinvention de la lecture dans le cadre des nouveaux médias. Ce qui est généralement brisé, c’est la sacro-sainte linéarité du livre lui-même. Le parcours, sauf de rares exceptions, continue d’être linéaire (entendre : séquentiel). Pour donner un exemple concret : on parle souvent de Rayuela (Marelle) de Julio Cortázar comme d’un proto-hypertexte… il s’ouvre sur deux « ordres » de lecture, qui sont deux séquences selon lesquelles lire les chapitres. Toute une révolution! auront dit certains… Mais quand on regarde de plus près l’alternative, on y voit les chapitres 1 à 54 dans l’ordre ou un ordre apparemment désordonné, incluant un grand nombre de chapitres « excédentaires », qui ne sont dans les faits que l’incarnation du principe de digression — car dans cette deuxième séquence, les 54 chapitres « de base » sont toujours dans cet ordre, mais interrompus par plusieurs chapitres intercalaires… En ce sens, réinventer la lecture, c’est tout autant obliger à rompre avec la linéarité du parcours même de la lecture (au profit de structures cycliques, par exemple) que d’accepter de rompre avec la tradition d’une rhétorique qui file le discours… C’est dire que le support n’est qu’un seul rouage dans une dynamique beaucoup plus complexe.

Enfin, à titre de territoire d’exploration, je signalerai le Laboratoire NT2 pour le versant critique et la revue bleuOrange, pour le versant création.

(Je n’ai pas ouvert le dossier de la commercialisation — Eastgate Systems demeure l’une des rarissimes instances à continuer de tenter de monnayer la littérature hypermédiatique… à croire que la chose est rendue aujourd’hui impensable.)

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[Mise à jour] Le lien avec ce nouvel ouvrage est trop évident… Terence Harpold, Ex-Foliations

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La littérature est-elle plastique ?

Rencontre organisée les 31 janvier et 1er février au Petit Palais (Paris), sous le thème de la plasticité de la littérature :

Lectures, mises en voix, mises en scènes, marathons, projections… : la littérature s’expose. Elle déborde, elle sort du livre où les pages la recèlent. Mais ces voix, ces scènes, ces images… ne sont-elles pas déjà vivantes dans le texte, dans le phrasé des mots ? Et ces mots d’où la voix s’émancipe : comment la font-ils entendre ? Murmurante ou théâtrale, intime ou parlée, ironique ou enjouée, toujours la voix varie. La question serait celle-ci : ce que l’on croit ajouter à la littérature pour lui donner plus d’ « ampleur », n’est-ce pas d’abord l’écriture qui le suscite et le porte en elle ? Faut-il lui apporter de l’extérieur des couleurs nouvelles, plutôt que de saisir les énergies qui l’habitent – sa vie, sa violence, ses silences parfois ? La littérature est-elle infiniment « plastique » que l’on puisse, en la déployant dans l’espace, prendre le risque d’oublier la page où le texte s’est écrit ?

Retour à une interrogation sur les voix dans la littérature (dans la continuité des travaux de Rabaté et d’Huglo), mais sous le regard du matériau.

Étrange que cette notion de plasticité que propose DViart, dans un contexte où l’on oublierait le support lui-même — vecteur pourtant fortement bouillonnant de la littérature contemporaine à travers l’expérimentation des plateformes (numériques), des modes de diffusion (à la Volodine) et des formes littéraires (la littérature contemporaine sera intergénérique ou ne sera pas…).

Événement signalé par remue.net ; programme disponible au format PDF.

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Le monde du livre… quelle perspective ?

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La vision du futur du livre est extrêmement variable, selon quelle conception est rattachée à l’objet-livre et à la pratique-littérature. Nostalgie du papier et de l’encre, fascination pour les technologies de l’encre numérique, marché (hors-marché, évidemment…) rattaché aux librairies comme lieu de diffusion du savoir, mondialisation du marché du livre… On se retrouve, de la sorte, devant des oppositions fortes, voire irréconciliables — nostalgie ou  craintes d’un changement irréversible, en regard de fascination curieuse, voire aveuglement techno-machin. On n’a guère dépassé le syndrome Birkerts : on a complètement oublié, depuis 1994, les propos sur la lecture et le livre de l’essayiste américain Sven Birkerts, ses Gutenberg Elegies l’ayant campé dans le rôle exclusif du néo-luddite en raison de ses attaques peu convaincantes contre les nouveaux médias. 

Clément met en parallèle deux textes récents pour illustrer cette opposition. De celui d’Hugh McGuire, je retiens ce passage, qui dit clairement ce que nous avons tous perçu des méga-librairies (mais jamais clamé) :

More: as time went on, it turned out that book sales weren’t really the most profitable kind of business these stores could do. Solution: reduce the shelf-space for books, increase the shelf-space for candles and trinkets. In Canada Chapters/Indigo has reduced book shelf-space from 75% to 60% (with Canadian fiction losing, and publishers cutting their lists in consequence). If the trend continues, books will be the minority in bookstores, and we might consider renaming them smelly candle stores that carry books.

The book business has stopped caring much about books.

Son pari sur le marché du livre (non tant l’économie que l’écologie du livre) est celui d’un bouleversement inévitable, voire nécessaire… d’où proviendrait la survie de cet univers complètement miné par les enjeux économiques :

Imagine: what would happen if every publisher in the world went out of business tomorrow? If every book store closed it’s doors?

Here’s what I think: I think we would see a flourishing of innovation and the kind of excitement the book business has not seen since the printing press was invented.

Vision bien virtuelle, trop hallucinée de la réalité du livre ? Pour une part, évidemment. Mais ce champ, déjà explosé, est propice à de nouvelles saisies par des acteurs qui n’auront pas peur de questionner les fondements de leur pratique. Peut-être tout continuera-t-il comme avant — mais les chances de changement de paradigmes (économiques, mais culturels et sémiotiques tout autant) paraissent bien grandes.

(photo : « the bookstore», petitecorneille, licence CC)

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Google retire le projet Palimpsest

Peter Suber relaie l’information que Google met un terme à son projet (jamais vraiment lancé) Palimpsest, visant à héberger de larges quantités de données scientifiques. Google qui retire ses billes ?

« As you know, Google is a company that promotes experimentation with innovative new products and services. At the same time, we have to carefully balance that with ensuring that our resources are used in the most effective possible way to bring maximum value to our users, » wrote Robert Tansley of Google on behalf of the Google Research Datasets team to its internal testers.

Utilisation la plus efficace, viser la plus grande valeur : on parle des usagers ou du chiffre d’affaires de G. ? À l’évidence, la valeur commerciale importe plus que la valeur symbolique rattachée à cet hébergement (et au pouvoir lié à la masse des connaissances).

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