Tangentes, engagement, ou Heinich contre Bourdieu

parallèles-grosFrançois Bon fait écho à un débat par lettres interposées entre Nathalie Heinich et Pierre Bergounioux. La situation n’est pas simple : d’une part, le combat des intellectuels dans le cadre d’une réforme des universités (et de la mise en danger de la figure du chercheur, de l’humaniste) ; d’autre part, le travail de mémoire du chemin parcouru depuis mai 68.

Point tangent : Bourdieu, comme figure d’une prise de parole, comme discours incarné. Et la vague impression de deux propos qui se croisent sans tout à fait se regarder, sans tout à fait parler la même langue.

Néanmoins, la question de l’engagement social et la figure des intellectuels sont des objets de débat — singulière différence avec le Québec où les chicanes sont celles d’un nationalisme imposant commercialement la culture dans l’enseignement ou un Victor-Lévy Beaulieu brûlant ses livres. Deux mouvements structurés différemment : en France, l’axe spatial qui confronte les champs, les classes sociales ; au Québec, la sempiternelle temporalité, cette historicité définissant l’identité et l’emprisonnant dans sa transformation, dans son devoir de mémoire. Bourdieu comme étalon du temps qui passe : la France se déplace-t-elle vers l’axe temporel ?

(photo: « Plean 1 : To the infinity point », Szmytke, licence CC)

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Théorie littéraire et culturalisme

La revue La lecture littéraire (U.Reims / CRLELI) lance un appel à contributions assez intéressant, dans son propos et dans ce qu’il révèle de l’état de la réflexion sur la théorie littéraire en France. Conjuguant théorie et études culturelles, c’est toute la question du statut de l’art qui est réactivée :

tout texte, qu’il soit ou non présumé littéraire, peut sans doute être replacé dans une histoire culturelle des représentations qui en éclaire différents aspects.

Dès lors, pour certains, il n’y aurait plus de différence à établir, au sein du vaste ensemble des productions culturelles, entre objets usuels et objets artistiques, production de masse et production de qualité. Tous les objets, textuels ou non, relevant de la culture seraient également dignes d’intérêt.

D’autres continuent toutefois à distinguer l’activité artistique de l’ensemble des pratiques humaines. […] Ce qui revient, plus nettement peut-être, à ne pas considérer de la même façon toutes les productions culturelles.

Littérature et études culturelles doivent-elles s’exclure ? Peuvent-elles dialoguer ? Comment envisager leur relation ?

C’est le choc des classes qui émerge ainsi, le choc des classes sociales et celui des niveaux de littérature, la culture populaire innervant le champ restreint en un melting-pot déstabilisant. Mais y a-t-il lieu de discriminer les pratiques ? Ici entrent en conflit les notions d’art, d’esthétique, de culture ? simple complexification de la traditionnelle opposition entre l’artisan et l’artiste ?

Les réponses qui seront proposées se révéleront fort emblématiques de la position des intellectuels français sur la recherche dans les humanités ainsi que du statut de la littérature et de la culture dans la société européenne.

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