Colloque que je coorganise à l’ACFAS vendredi 14 mai, conjointement avec Patrick Tillard. Inscription à l’ACFAS (dite) obligatoire.
Édition et sédition aujourd’hui :
acteurs, techniques, enjeux
Vendredi 14 mai 2010
Université de Montréal, pavillon Marie-Victorin, salle A544
Responsables
René AUDET, Université Laval
Patrick TILLARD, Université Laval
La sédition et l’édition se sont toujours côtoyées dans l’histoire du livre. La sédition utilise le texte pour s’opposer à l’État, à ses institutions, à son idéologie ; elle appelle à la révolte mais aussi au contournement de la voie officielle. « Samizdat », « Dazibao » et littérature clandestine du XVIIIe siècle ont suscité de nombreuses analyses, mais la sédition à l’époque contemporaine est moins connue. Cette ignorance, peut-être faussée par l’évidence quasi impassible du territoire littéraire officiel, évacue sa propre dévalorisation et les répercussions des tensions sociales sur son territoire. Pourtant, des formes de sédition dénoncent l’aveuglement de la pensée éditoriale actuelle ; elles dévoilent les rigueurs de la législation éditoriale et contestent la médiatisation littéraire.
André Schiffrin rappelle que si le contrôle de la parole des gigantesques multinationales issues de spectaculaires rapprochements limite effectivement la liberté d’expression, l’édition est particulièrement concernée. Sommée de privilégier la rentabilité plutôt que la liberté critique et créatrice, l’édition annonce à terme la défaite de l’écrit. La globalisation idéologique et économique dénature les idéaux liés au livre (l’humanisme de la Renaissance, la démocratie et l’esprit de résistance et d’investigation des Lumières) pour servir une domination qui « peut et doit maintenant refaire la totalité de l’espace comme son propre décor » (Guy Debord).
Les espaces de contestation, lorsqu’ils ne sont pas dévalués par des emballages chatoyants, se réduisent dangereusement et encouragent simultanément à la clandestinité. Il ne sera pas surprenant de trouver ailleurs des tentatives pour affirmer le sens perdu de mots pétrifiés. Parfois dans des cercles et des territoires marginalisés ou libertaires, ou dans une culture parallèle qui cherche ses marques, coexistent des sentiers littéraires (poésie, théâtre, fictions, essais) où des textes tentent de penser subversivement un réel qui échappe.
Livres, plaquettes, brochures dépourvus d’ISBN et de dépôt légal, production photocopiée ou impri-mée, puis diffusée dans des réseaux informels, dans des rassemblements de contestations, sous le manteau de quelques librairies, ou bien textes divers et blogs du Web, la sédition se manifeste sans se structurer dans des formes et une inventivité neuve comme si les langages rédigés s’articulaient en occupant des espaces laissés vides, oubliés, mais fourmillants de vie. La capillarité de ses réseaux informels remplace-t-elle l’ancien réseau d’imprimeurs clandestins, de colporteurs et de libraires identifiés par Robert Darnton dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle ? À leur tour, les publications sur le web permettent-ils une véritable internationalisation de cette littérature ? Diversité culturelle et transnationalité peuvent devenir des éléments dynamisant en termes de réception et d’échanges.
Quels sont alors les enjeux de la subversion qui se cherche et qui se construit dans ces anfractuosités ? Quels sont ses thèmes et ses objets ? Et quels piliers affronte-elle ?
Le support (numérique, livre) permet-il de donner un sens et un écho nouveaux à cette « littérature clandestine », à cette littérature qui se revendique plus libre et se veut débarrassée des contraintes professionnelles et de l’encadrement législatif ?
Qu’exprime la subversion enclose dans ces textes par rapport à la littérature, à sa capacité de représenter et réfléchir le monde ?
Enfin, pourquoi une certaine qualité de sédition interpelle-t-elle le territoire éditorial ? Sous quelles façons et que refusent-elles en lui ?
Programme :
Séance de la matinée : « Nouveaux positionnements, nouvelles prises de parole »
Présidence/animation : René Audet, Université Laval
9h00 — Patrick TILLARD, Université Laval
Ordre et territoires de l’édition contemporaine
9h30 — Alain DENEAULT, UQAM
L’accès à la justice comme condition d’accès à la parole publique
10h30 — Paul ARON, Université libre de Bruxelles
La mise au net favorise-t-elle la sédition? Le cas des revues littéraires en ligne
11h00 — François BON, écrivain / éditeur publie.net
De la littérature comme éco-système, et de ses conséquences numériques
Séance de l’après-midi : « Institution, marge et écriture »
Présidence/animation : Patrick TILLARD, Université Laval
13h30 — Marie-Andrée BERGERON, Université Laval
Variations du discours des féministes québécoises : De Québécoises deboutte ! (1971) à www.jesuisfeministe.com (2008)
14h00 — Jean-Benoît PUECH, écrivain / Université d’Orléans
L’Inédiste infidèle
15h00 — Dominic HARDY, UQAM
« Just watch me » : l’artiste pluridisciplinaire Dennis Tourbin (1946-1998) et la Crise d’Octobre au Canada
15h30 — René AUDET, Université Laval
Synthèse du colloque : quelles manifestations, quelle importance de la sédition aujourd’hui ?
Mmmm… 258 $ ?
En effet, pas donné pour le commun des mortels… J’ai bien dit « officiellement » (je ne connais pas les pratiques de contrôle à l’UdM…).
Comment se procurer le texte des interventions de tous les participants ? Seront-ils publiés dans L’épée du Soleil?
Le sujet est passionnant mais le style et l’écriture des chercheurs reste difficile d’accès pour un large public. Autant que le contenu de la nouvelle édition, il faudrait cerner le niveau des demandes des lecteurs, afin de vulgariser (non péjoratif !) le contenu universiaire qui passe souvent très loin de la compréhension de bien des gens. Vivre en vase clos à l’université, n’échanger qu’avec des universitaires, est-ce une démarche révolutionnaire ? Vraiment ?
Il n’y a pas de publication prévue de l’événement lui-même, toutefois il est envisageable que certains textes soient publiés. Je pourrai vous en informer si vous le désirez.