À l'échelle humaine ou inhumaine ?

729822_25ba163c9a_m.jpgHigh performance computing pour les humanités : est-ce « a hammer in search of a nail » ? La question m’a souvent traversé l’esprit, au croisement de diverses allusions à cette possibilité. Simple réflexe d’une grenouille qui voit les sciences inhumaines, elles, faire la part belle à ces ressources démesurées, et ainsi souhaiter s’apparenter au boeuf ?

John Tolva, de chez IBM, se prête naïvement — mais volontairement — à la réflexion. J’avais croisé telle cogitation chez Geoffrey Rockwell, mais sans qu’il expose en toutes lettres sa position. Les questions que Tolva pose pour s’interroger sur notre méthodologie sont fascinantes… et désespérantes. Car le principal problème, souligne-t-il en creux, est l’absence de structuration des ensembles de données :

the biggest single problem we can solve with the grid in the humanities isn’t discipline-specific (yet), but is in taking digital-but-unstructured data and making it useful. OCR is one way, musical notation recognition and semantic tagging of visual art are others — basically any form of un-described data that can be given structure through analysis is promising. If the scope were large enough this would be a stunning contribution to scholars and ultimately to humanitiy.  

C’est l’ambition qui effraie et qui rend fébrile (ce « giddy » qu’il utilise pour décrire son propre état). C’est la démesure, l’ampleur, l’empan en quelque sorte. Mais est-il de mauvaise foi de prétendre que la vraie nature des humanités, c’est la profondeur et non la largeur de vue ? Comment raffiner les « données » lorsqu’on plonge dans un texte ? Ce texte n’a-t-il donc de valeur, laisse-t-on supposer avec cette approche, que dans la multitude des autres textes ?

Je n’ai pas de réponse… la question continue de me tracasser. Et appelle, en corollaire, la fascination de la technologie, ses possibilités, et la nécessité de tout chercheur de questionner son apport à ses travaux. Simple tentation geek ou ouverture à de nouvelles avenues, à de nouveaux outils, à une compréhension réinventée de nos objets de prédilection ? Il semble bien qu’il faille une part de geek-itude pour d’abord se laisser séduire, et ensuite envisager les conséquences de la dot… Car à défaut de regarder la technologie dans les yeux, il n’y a pas de moyens d’accéder aux fantasmes, à la vision qu’elle permet de dessiner d’un certain avenir. Cette vision n’est pas la seule qui puisse/doive être esquissée, pas plus qu’elle constitue une panacée. Mais difficile est le portrait de notre futur sans prise en considération des outils qui nous accompagneront.

 (photo : « book shelf project 1 ~ striatic {notes} », striatic, licence CC) 

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