Une autre tentative d’analyse des carnets du point de vue littéraire (ce n’est pas récent ? août 2004 ?, mais ça mérite d’en garder une trace).
Steve Himmer, « The Labyrinth Unbound: Weblogs as Literature », Into the Blogosphere: Rhetoric, Community, and Culture of Weblogs, Ed. Laura J. Gurak, Smiljana Antonijevic, Laurie Johnson, Clancy Ratliff, and Jessica Reyman, 2004. (via Mark Bernstein)
L’exercice est toujours intéressant ? hum, pas nécessairement celui de l’analyse, mais de la lecture des paramètres d’analyse (de quelle façon on justifie l’objet, de quelle façon est évaluée la littérarité, etc.).
Calling a weblog ?literary? does not require content that is about literature or even content that aims to be literature. It is not an attempt at categorizing one weblog and its author as more worthwhile in a canonical sense than any other. To the contrary, I propose that every weblog can be considered literary in the sense that it calls attention not only to what we read, but also to the unique way we read it.
Qu’on refuse le critère de la discussion thématiquement littéraire, ça va bien (étonnant tout de même de voir qu’on convoque ici les paramètres habituellement associés à l’essai, genre éminemment ambigu du point de vue de sa littérarité). Mais qu’on se concentre sur la seule lecture (sur la régie de la lecture des carnets) pour évaluer la littérarité du carnet, c’est postuler que la littérarité n’existe qu’en dehors du texte, sans aucune considération pour le style, pour le ressort narratif, pour le plaisir du texte. Je suis mal placé pour reprocher ce recours à la perspective lecturale, mais il me semble par trop radical ici. Posture d’autant plus étonnante qu’elle se fonde sur l’idée de potentialité (en convoquant Aarseth mais surtout l’OULIPO).
Sinon, parmi les autres pistes de réflexion, signalons celle du temps (oeuvre inachevée, marquée par le passage du temps) et surtout celle de l’autorité, qui revient ici avec force :
he weblog neither inherently supports abstract national mythologies or the overarching power of an almighty: the hand of the maker is always visible, but, unless the author/maker intends otherwise, glorifies only itself.
It seems appropriate to end with that mention of authorial intentions, because as much diversity as there is among weblogs, at root they are all guided by those particular, individual intentions: without the hurdle of editors, publishers, and corporations between writers and ?publication? in some form or another, weblog authors are able to write exactly what they want to, in exactly the way they prefer.
Retour donc sur la sacro-sainte liberté du créateur, ici défait des contraintes extérieures… n’est-ce pourtant pas naïf de prétendre à la liberté totale? que faire des balises imposées par le support numérique (attentes spécifiques des internautes, course à l’originalité, attentes de citations croisées, de liens vers d’autres sites)? que faire du lourd bagage des antécédents littéraires, ne serait-ce que le domaine tout de même bien exploré de la fiction de soi?
Si le carnet échappe à l’encadrement imposé par la marchandisation de la littérature, il n’échappe pas à la littérature elle-même.
Les « contraintes extérieures » dont il est question sont celles des intermédiaires (éditeurs, reliseurs, correcteurs, diffuseurs, distributeurs, financiers, directeurs littéraires, etc).
De ces contraintes, oui, les blogues s’en sont affranchis. C’est la définition stricte de l’auto-publication, en fait
Toutes les autres contraintes que vous mentionnez restent jusqu’à un certain point, dans le sens où le texte possède ses codes (effet de genre, intertextualité, règles gramaticales, niveau de langage, etc), des contraintes créés par l’attente du public cible.
Mais si l’on veut écrire sans aucune contraintes, outre celles, techniques, de l’outil, malheureusement, il y a peu de chance d’être compréhensible…
La liberté du blogueur public (i.e. celui qui cherche à être lu) n’est pas tellement celle de l’écriture, mais celle de choisir la communauté dans laquelle il souhaite se tailler un place. Pour s’imposer, il doit faire un travail laborieux de lecteur-commentateur tel un commercial qui laisse sa carte de visite où il passe. S’il secoue favorablement les horizons d’attentes de cette communauté interprétative et que son blog fait écho aux commentaires qu’il laisse ici et là, le blogueur trouvera son lectorat. S’il finit par tenir le haut du pavé, bref, la bon blogueur n’aura pas à ses souscrire au principe du « I’ll scratch your back if you scratch mine ».
p.s. J’ai laissé mon URL, mais n’y allez surtout pas !