Preserving Virtual Worlds

Matt G. Kirschenbaum a récemment diffusé l’annonce du financement d’un projet voué aux enjeux posés par l’archivage des fictions interactives (de la littérature électronique jusqu’aux univers virtuels à la Second Life) :

The Preserving Virtual Worlds project will explore methods for preserving digital games, interactive fiction, and shared realtime virtual spaces. Major activities will include developing basic standards for metadata and content representation and conducting a series of archiving case studies for early video games and electronic literature, as well as Second Life, the popular and influential multi-user online world. […] In addition to contributing to the work on Second Life, Maryland will take the lead on interactive fiction/electronic literature as a sub-domain of the project, and will be occupied with all aspects of scoping, metadata, intellectual property, evaluation, and archiving of these materials.

Le défi technologique est immense, mais l’ingénierie conceptuelle tout autant : c’est à une poétique des formes qu’on se confronte inévitablement lorsqu’on tente de sérier, de classer, de préserver de façon organisée. Le problème est constamment sous la lorgnette des chercheurs depuis le début des années 90, mais de façon bien théorique ; est-ce qu’un défi plus concret conduira à une réponse plus pragmatique ? Fraistat, Kirschenbaum et Kraus en proposeront sûrement une ; reste à voir si elle tiendra la route.

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Presses universitaires: la vague et l'aveuglement (Ithaka Report)

InfoBits nous informe, dans sa livraison de juillet, de la parution d’un rapport intitulé « University Publishing in a Digital Age », produit par une OSBL du nom d’Ithaka (independent not-for-profit organization with a mission to accelerate the productive uses of information technologies for the benefit of higher education worldwide). La perspective est celle du rôle que devraient jouer les universités dans leur mission de transmission des connaissances scientifiques développées en leur sein, à travers le canal privilégié des presses universitaires.

Rien de très nouveau sous le soleil : on suit clairement la vague, en souhaitant une meilleure cohérence institutionnelle dans cet effort pour la diffusion des connaissances ? en témoigne ce résumé des recommandations :

? Recognize that publishing is an integral part of the core mission and activities of universities, and take ownership of it.
? Take inventory of the landscape of publishing activities currently taking place within your university.
? Develop a strategic approach to publishing on your campus, including what publication services should be provided to your constituents, how they should be provided and funded, how publishing should relate to tenure decisions, and a position on intellectual assets.
? Create the organizational structure necessary to implement this strategy and leverage the resources of the university.
? Consider the importance of publishing towards an institution?s reputation, especially when associated with core academic strengths.
? Develop online publishing capabilities for backlist and frontlist content and for new emerging formats.
? Develop a shared electronic publishing infrastructure across universities to save costs, create scale, leverage expertise, innovate, extend the brand of U.S. higher education, create an interlinked environment of information, and provide a robust alternative to commercial competitors.
? Commit resources to deliver an agreed strategic plan for scholarly communication.

Cohérence, bonnes intentions, convergence : tout ce qui est attendu d’un tel rapport, rien de plus. Ce qui peut étonner, ce sont certains résultats du sondage que l’organisme a réalisé auprès des universités et des presses universitaires. Ainsi, dans les annexes du rapport, on parle des abonnements aux revues savantes :

Are you experiencing a drop-off in institutional print subscriptions due to the availability of electronic journals?
– No decline: 18% (3)
– Modest decline: 53% (9)
– Substantial decline: 29% (5)

Question suivante, sur la perception de l’avenir:

Do you anticipate that institutional subscriptions to the print (as opposed to electronic) versions of your journals will disappear in:
– 3-5 years: 38% (6)
– Not in the foreseeable future / never: 62% (10)

Question spécifiquement sur le financement, cette fois:

Could your press’ current business model for scholarly journals accommodate a transition of all your institutional subscriptions to electronic-only (i.e. complete transition away from print)?
– Yes: 80% (8)
– No: 20% (2)

Les résultats sont certes partiels et d’un échantillon restreint, mais il témoigne bien d’une bonne volonté, d’une ouverture, mais qui demeure à l’état de discours: quand vient le temps d’envisager les sommes qui entrent par les abonnements, on prétend que les bibliothèques universitaires poursuivront indéfiniment leur mission de financement des revues savantes par le paiement d’abonnements exorbitants… Oeillères, aveuglement, refus d’envisager un bouleversement du modèle économique?

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Théorie littéraire et culturalisme

La revue La lecture littéraire (U.Reims / CRLELI) lance un appel à contributions assez intéressant, dans son propos et dans ce qu’il révèle de l’état de la réflexion sur la théorie littéraire en France. Conjuguant théorie et études culturelles, c’est toute la question du statut de l’art qui est réactivée :

tout texte, qu’il soit ou non présumé littéraire, peut sans doute être replacé dans une histoire culturelle des représentations qui en éclaire différents aspects.

Dès lors, pour certains, il n’y aurait plus de différence à établir, au sein du vaste ensemble des productions culturelles, entre objets usuels et objets artistiques, production de masse et production de qualité. Tous les objets, textuels ou non, relevant de la culture seraient également dignes d’intérêt.

D’autres continuent toutefois à distinguer l’activité artistique de l’ensemble des pratiques humaines. […] Ce qui revient, plus nettement peut-être, à ne pas considérer de la même façon toutes les productions culturelles.

Littérature et études culturelles doivent-elles s’exclure ? Peuvent-elles dialoguer ? Comment envisager leur relation ?

C’est le choc des classes qui émerge ainsi, le choc des classes sociales et celui des niveaux de littérature, la culture populaire innervant le champ restreint en un melting-pot déstabilisant. Mais y a-t-il lieu de discriminer les pratiques ? Ici entrent en conflit les notions d’art, d’esthétique, de culture ? simple complexification de la traditionnelle opposition entre l’artisan et l’artiste ?

Les réponses qui seront proposées se révéleront fort emblématiques de la position des intellectuels français sur la recherche dans les humanités ainsi que du statut de la littérature et de la culture dans la société européenne.

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La diffusion du discours savant en évolution : livre, articles, web… (ou la fable des six aveugles indiens)

Ben Vershbow, sur if:book, fait écho et commente les réflexions de Thomas Mann, un bibliothécaire qui s’interroge sur le rôle que ses collègues et lui pourront tenir dans la recherche scientifique. Son prétexte: à partir d’une question posée par un étudiant (sur la guerre du Péloponnèse), il tente d’évaluer la pertinence et l’efficacité d’une recherche en bibliothèque et d’une recherche sur Internet. C’est toute la problématique de la recherche documentaire qui émerge : cohérence des résultats, liens à établir entre les pièces trouvées, hiérarchisation des résultats, validation, etc. [Il y a là matière à un bel exposé sur les principes de la recherche documentaire, sur sa logique et son fonctionnement…]

La fable des six aveugles indiens (l’un décrivant l’éléphant dont il touche la patte comme un arbre, l’autre effleurant le flanc le figurant comme un mur…) sert à montrer comment l’entrelacs des données (toutes partielles) est fondamental dans la perception de la complexité d’une question (toutes les descriptions des aveugles étant insuffisantes pour donner un aperçu satisfaisant de la structure d’ensemble de l’éléphant). Mann aborde également la question des folksonomies, qu’il replace fort à propos dans son contexte (outil complémentaire aux catalogages classiques et non panacée).

Vershbow termine son article sur la question de l’avenir du discours savant : qu’arrivera-t-il si les chercheurs délaissent les formats conventionnels (monographies, ouvrages offrant des synthèses) au profit de formats mieux adaptés aux TIC, aux médias électroniques ? Et donc, à quoi serviront les bibliothécaires ?

True, librarians have gotten very good at organizing books over time, but that’s not necessarily how scholarship will be produced in the future.

C’est toute la question de l’innovation qui rejaillit, celle permettant de se coller aux besoins exprimés par les chercheurs.

La question est ouverte, est nécessaire, mais reste bien peu cadrée : les enjeux sont légion, et il importerait de les identifier, de les interroger. Conceptualisation et rédaction de discours scientifiques appuyés par de nouvelles structures logicielles; validation des contenus, édition, distribution, pérennité; indexation, catalogage, tagging… Voilà autant de balises (d’obstacles diront certains, de défis diront d’autres) qu’il faut prendre en considération dans cette volonté de s’ouvrir à de nouvelles voies pour le discours savant.

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Têtes fascinantes

Depuis quelques mois, de nouveaux abonnements dans mon agrégateur me permettent de suivre les réflexions de quelques têtes fascinantes ? chercheurs et penseurs du monde des livres, des médias et d’Internet. Outre les échanges toujours stimulants de proches (CFD, Clément, Ana), de connaissances ou de collègues (Marin, Jill, G. Rockwell), j’ajoute à ma petite liste personnelle des visages découverts par croisement ou par hasard :

Siva Vaidhyanathan, chercheur invité par le stimulant Institute for the Future of the Book (domaine: cultural historian and media scholar) ;
– le volubile Henry Jenkins (domaine : media and popular culture, directeur du MIT Comparative Media Studies Program) ;
François Bon, dont j’avais sans raison apparente ignoré le blog, jusqu’à ce que je le recroise de nouveau il y a quelques semaines.

Les lectures se multiplient à un rythme exponentiel ; il y a là certainement les germes (et les premières pousses, à n’en point douter) d’une lecture aguerrie des enjeux posés par les médias et les TIC à la culture actuelle.

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