Étrange de voir comment, dans un monde dont on dit qu’il se caractérise par l’explosion de l’information, on puisse prétendre à une saisie totale d’une question, d’un ensemble de données. Drôle de paradoxe que celui de la prétention à l’exhaustivité dans un monde qui ne caractérise plus par sa finitude.C’est ce paradoxe qui constitue l’entrée en matière du Concours de livres imaginaires d’AbeBooks :
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Tablant sur cette prétention à la saisie entière du monde, AbeBooks a mis en place un concours visant à la création de non-livres. Au-delà du caractère ludique de la démarche (héhé, si on a un blogue et qu’on gagne le concours, notre blogue sera publié…!?), c’est l’attitude qui la gouverne qui me paraît symptomatique du mythe de la google-isation du monde. Une ressource vise l’exhaustivité, devient une référence, couvre un champ entier… à tout le moins en donne le sentiment. Et une fois ce sentiment installé, ce qui échappe la ressource n’existe tout simplement pas…
Il me semble y avoir surenchère actuellement en ce sens ? difficile de refuser de viser à être la référence, difficile de ne pas viser à rassembler tout ce qui se fait sur X ou Y…
Deux conséquences, à priori :
– incapacité d’exister à côté de la référence absolue (quel moteur rivalise vraiment avec Google? ou pour le voir autrement : oser refuser d’être référencé, c’est un pari encore terriblement idéologique) ;
– aplatissement des singularités par la centralisation élevée au rang des beaux-arts…
C’est la montée d’une obligation de conformité au modèle imposé qui peut (doit) être crainte. Cette menace concerne bien des sphères du monde actuel, dont celui de la diffusion en SHS. J’y reviens…
D’ici là, tentez d’imaginer comment le monde existe en dehors des références absolues, quitte à l’inventer ? et peut-être avoir l’agréable surprise de voir que la fiction rejoint la réalité.