La lecture, une activité parmi d’autres

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Le livre (numérique s’entend) ne peut isolément poursuivre un chemin abrité, à l’abri des autres biens culturels de consommation courante.

Difficile de ne pas être frappé par ce résumé efficace d’Olivier Ertzscheid (précisant de la sorte la phrase admirée d’André Gunthert : « Tout l’univers de nos industries culturelles, dans un format confortable »).

Alors que les Kindle, Sony et Nook cherchent à spécialiser l’acte de lecture, d’en réserver l’exercice dans un outil qui le facilite (signets, annotations, accompagnement musical), le iPad ferait de la lecture l’une des pratiques culturelles possibles. Bien sûr, la non implémentation du multitâches fait en sorte que l’on peut recréer cette bulle spécialisée le temps d’ouvrir l’appli iBooks (pas de courriel entrant, d’invitation à clavarder qui s’immisce dans l’interface). Mais une fois l’envie, l’intensivité épuisée, l’extensivité se cache sous le bouton Home : retour au web, au courriel, aux photos, aux vidéos, à la musique… à l’ouverture sur le monde que la lecture avait temporairement suspendue.

On a beaucoup péroré sur les supposées envies de lecture des citoyens d’aujourd’hui : dans une ère de la vitesse, du zapping, on a voulu projeter sur les lecteurs une envie de textes brefs (comme la nouvelle — cette idée circule toujours), une envie d’intensivité de courte durée. Pourtant, les livres lus dans les bus, dans le métro ont souvent plus de trois cents pages, les sagas historiques font un tabac… et les nouvelles sont peu lues.

Le pari du iPad, en quelque sorte, sera de laisser la lecture faire son œuvre, de laisser à la fiction le rôle d’immerger le lecteur dans un univers qui le coupe de son propre monde — du moins jusqu’à ce qu’on implémente l’interface multitâches…

(photo: « through a mirror, darkly », ygurvitz, licence cc)

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