Thème 2. Le numérique comme agora : édition de la science citoyenne

Publié le 16 février 2010

Parmi ses effets, le numérique donne un essor particulier à l’édition scientifique (ouvrages et revues).  Elle permet le décloisonnement de la recherche et de la science en offrant un accès des ouvrages en dehors des institutions traditionnelles — bibliothèques universitaires — où les ouvrages scientifiques sont trop souvent cantonnés.

Simultanément, avec l’émergence du web 2.0, ce décloisonnement ouvre une relation bi-directionnelle entre l’éditeur et la société et entre le créateur et le lecteur. Les lecteurs deviennent des acteurs. Des agoras se créent à différentes échelles.  La création de réseaux sociaux scientifiques, le développement de la science citoyenne en sont des exemples.

Comment réagir à l’apparition de cette réalité qui amène aussi une modification de l’édition où celle-ci n’est plus limitée à la forme écrite mais aussi à l’audio et à la vidéo (podcast) ? Qu’est-ce que les expériences en cours peuvent apporter comme réflexion à l’édition générale ? Qu’est-ce l’expérience des acteurs de l’édition peut apporter au développement de l’agora ?


6 commentaires (RSS)

  1. Est-ce que l’auteur doit devenir aussi un acteur, un cinéaste, un spécialiste de la programmation ?

    Quel temps garde-t-il pour se consacrer à sa passion et sa vocation première, l’écriture?

  2. Eric Duchemin dit :

    On peut aussi imaginer que l’auteur n’est que l’étincelle qui laisse après les lecteurs discuter son livre ses propos. Les Éditions Écosociété viennent d’initier un blogue..je crois que cela est un exemple.

    Si la vocation première de l’auteur est l’écriture n’est-elle pas aussi de communiquer..de transmettre un sentiment, une connaissance, une vision vers un lectorat. La communication se fait au minimum à deux….

    Je souligne ici que le sujet touche plus particulièrement les ouvrages scientifiques..mais peut s’appliquer à d’autres domaine.

    Je ne comprends pas « Est-ce que l’auteur doit devenir aussi un acteur, un cinéaste, un spécialiste de la programmation ? » Dans l’édition on ne demande pas à un auteur de connaître le montage graphique, la gestion de l’imprimerie, etc…Il en va de même pour l’édition numérique..

  3. F Bon dit :

    et pourtant, Eric, quel changement fondamental: comme pour la musique ou le film, l’auteur de texte manipule aussi des images et des vidéos

    nous sommes chacun en contact avec l’ensemble des rouages de la chaîne

    en même temps, dès qu’un projet se complexifie, film ou radio ou musique ou scène, on crée un collectif où chacun retrouve son propre domaine d’intensité sur sa discipline

    pour la musique, le film et la scène (je prépare en ce moment une série de performances à 4 (violon électrique, traitements électronique scène, projection et traitement images temps réel/desordre.net et donc texte), ce déplacement vers le collectif est instauré de longtemps, il se peut que la littérature (ou plus largement, l’ex champ du « livre ») y entre aussi

    questions avec lourdes implications : par exemple, ds les 2 facs UdeM/Qc où j’interviens, tous les étudiants sont équipés de netbook ou laptop, mais « culture » du traitement de texte très élémentaire, alors qu’ils sont des as des réseaux sociaux – qu’avons-nous à installer et transmettre comme « éducation » aux outils numériques d’étude et création (à l’UdeM, l’Ebsi propose cette formation, mais en 3ème année)

    dans le monde papier, on ne demandait rien à l’auteur – j’ai écrit et publié de 1982 à 2002 sans avoir jamais à me poser question sur mise en page – mais ce paradigme bascule: « écrire », aujourd’hui, c’est directement insérer son texte dans une réflexion où le support est concerné

    cela n’implique pas de prendre en charge l’epub ou l’Onix, et le geste ou le fait d’édition est tout aussi complexe en numérique, mais pour autant il est impossible de prétendre laisser les frontières où elles étaient – de même façon qu’on est irréversiblement passé de « lire » comme univers et « écrire » comme univers à un « lire/écrire » qu’il nous revient de concrétiser y compris dans usages éditoriaux et propagation circulation

  4. F Bon dit :

    et donc corollaire : déplacement aussi de l’auteur dans un concept d’action collective, comme c’est le cas pour musique ou film – et ce que ça a d’implication symbolique pour le rôle ou le statut de la notion (très récente, 17ème siècle) d’ « écrivain », est-ce qu’on y perd ? un des points que j’espère bien voir en discussion vendredi

  5. Florence Piron dit :

    La question de l’appropriation des technologies numériques par les chercheurs et étudiants n’est pas une mince affaire. Travaillant dans un dpt de com, je constate que la majorité de mes collègues restent méfiants, sceptiques ou intimidés face à certains outils collaboratifs (et me considèrent comme une originale avec mes wikis! Moi, ma limite, c’est Twitter…) Même les étudiants ont tendance à râler quand je leur demande de s’approprier une technologie (wiki, eduportfolio, zotero, phpbb, elluminate). S’ils ont tous une page sur Facebook, aucun ne crée un blogue, un réseau Ning, etc. S’ils font des sites web, ce sont essentiellement des vitrines d’activités, sans interactivité. Par contre, une fois que je les « force » à participer à un forum de discussion phpbb, ils apprécient! C’est pourquoi je reste optimiste.Toute « transformation des pratiques », comme le montre la socio-anthropologie des techniques, prend beaucoup de temps. Mais je pense aussi que ce n’est pas qu’une question d’appropriation des outils. Le régime de vérité de la technoscience actuelle repose sur l’idée de l’expertise, donc de la science « close », qui a le dernier mot sur une question. Les colloques deviennent des manèges où chacun vient faire son monologue : les débats sont rares… Les outils numériques permettant le débat et la discussion sur des sujets scientifiques vont donc à contre-courant de ce régime de vérité. Ils montreraient une science plus hésitante, incertaine, ouverte à la recherche de « plein air » (Callon, Lascoumes, etc.). De plus, les débats ne sont pas « reconnus » comme des outils valides de production de connaissance; par exemple, les textes de débat, les « réponses » aux auteurs ne sont pas évalués par les pairs dans les revues que je connais, sont considérés comme périphériques à la vraie science. Rien pour stimuler l’interactivité numérique autour de la science! Mon pari (faire débattre la société civile d’enjeux scientifiques et d’éthique des sciences) repose sur l’idée que les citoyens sont à la fois plus impressionnables et potentiellement plus critiques que les scientifiques face au régime de vérité de la technoscience. Une fois ce sens critique « éveillé », plusieurs citoyens sauront s’approprier les outils qui leur permettront de d’engager le débat avec la science… Il faut donc éveiller ce sens critique : pas facile… J’ai une idée de collection de livres numériques: Sapera Aude, Ose penser! (Texte de Kant, Qu’est-ce que les Lumières?), qui offriraient des documents pour débattre. On pourra en parler!

  6. René Audet dit :

    Sur l’idée de l’auteur (faudra peut-être en faire un thème à part — sur l’identité numérique), voir la synthèse d’Hubert Guillaud sur la construction de la présence de l’auteur en ligne (quasi en direct depuis Tools of Change) : http://lafeuille.blog.lemonde.fr/2010/02/22/tocon-construire-la-presence-de-lauteur-en-ligne/