Artus de Bretagne : un état de la question

Titre provisoire

Artus de Bretagne : une œuvre arthurienne du XIIIe au XXIe siècle.

État de la question [1]

Étudier une œuvre médiévale et en retracer le parcours éditorial constitue une tâche difficile, mais nécessaire pour bien comprendre les enjeux qui entourent la distribution et la réception du texte. Artus de Bretagne, dont la rédaction remonte au XIIIe siècle, est une œuvre particulièrement intéressante pour comprendre les paramètres de la transmission d’une œuvre médiévale et de son passage à l’imprimé. Plus spécifiquement, nous visons avec ce court article à établir un état de la question nous permettant d’étudier comment Artus de Bretagne vit le passage du manuscrit à l’imprimé. En effet, selon notre hypothèse, le manuscrit a subi quelques changements, notamment au niveau du paratexte, entre sa première rédaction, et la dernière édition qu’il a connue en 2017. Ainsi, avant d’entamer une plus longue analyse de l’œuvre et de ces changements, il nous semble important de revenir sur les études déjà effectuées à ce sujet, études avec lesquelles nous travaillerons pour notre prochaine analyse.

Études générales

D’abord, d’un point de vue plus général, de nombreuses études ont été menées déjà concernant l’examen du paratexte d’œuvres éditées. Notons surtout les travaux de Gérard Genette, notamment Seuils dans lequel il étudie le paratexte et en donne une définition sur laquelle nous nous baserons. En effet, il nous semble que pour analyser Artus de Bretagne, il nous faudra dans un premier temps définir un certain nombre de concepts, celui de paratexte, mais également ceux d’édition ancienne et moderne, puis d’édition critique. Concernant le passage du manuscrit médiéval à l’imprimé, nous pouvons indiquer plusieurs études et articles. Notons premièrement l’ouvrage collectif dirigé par Fabienne Henryot, L’Historien face au manuscrit, qui rassemble plusieurs articles sur les problématiques entourant l’édition imprimée d’œuvres manuscrites, les questions d’élaboration d’édition critique, l’analyse de document et bien d’autres questionnements théoriques et méthodologiques dont nous nous servirons en partie. Clotilde Dauphant, dans son article « La mise en recueil : diffusion et réception des textes médiévaux », analyse quant à elle les différents possibles de composition des manuscrits : un texte peut-être parfois distribué en ensemble, d’autres seuls. Parfois, des manuscrits comprennent des cycles complets d’œuvres, d’autres regroupent les œuvres d’un seul auteur. C’est donc sur ces différentes distributions que C. Dauphant s’intéresse, ce qui peut être pertinent pour notre étude, dans la mesure où Artus serait distribué en différents ensembles, ce que nous allons peut-être découvrir en analysant les manuscrits qui nous sont parvenus.

Pour ce qui est de l’édition des manuscrits médiévaux et du passage à l’imprimé, l’article de Madeleine Tyssens, « L’édition des textes français du Moyen Âge », est intéressant pour saisir les enjeux de l’étude des éditions imprimées d’œuvres manuscrites médiévales. Elle définit les problèmes auxquels fait face le lecteur devant une édition critique moderne, en abordant également les problèmes inhérents à la production même d’une telle édition critique. Sur les questions de cyclicité des œuvres médiévales et leur continuation, nommons la thèse de Patrick Moran, Lectures cycliques. Le réseau inter-romanesque dans les cycles du Graal du XIIIe siècle, qui étudie particulièrement l’expérience romanesque des cycles arthuriens et de leur continuité. Plus précisément, il s’intéresse au développement de l’interconnexion entre les romans du cycle du Graal au XIIIe siècle. Il nous semble que cette étude pourra être pertinente pour notre recherche puisque P. Moran propose une analyse sur le développement manuscrit du cycle : « Mouvement, variance et stabilité textuelle[2] ».

Enfin, plus près de notre étude, notons en premier lieu le travail de Pierre-Yves Badel dans son ouvrage Introduction à la vie littéraire du Moyen Âge, où il étudie les différents modes de développement du littéraire en terminant par une conclusion intéressante pour notre analyse. En effet, il interroge le parcours du texte médiéval jusqu’au lecteur moderne, en analysant entre autres les éditions critiques. En second lieu, davantage dans le particulier, Christine Gadrat-Ouerfelli a réalisé une recherche similaire à celle que nous souhaitons entreprendre. Elle a étudié le Devisement du monde de Marco Polo en analysant son évolution manuscrite et sa diffusion. Son étude nous permettra certainement de trouver quelques considérations importantes à analyser chez Artus de Bretagne pour mieux comprendre comment une œuvre médiévale est diffusée.

Études sur Artus

Revenons maintenant sur l’œuvre elle-même et sur notre connaissance des quelques manuscrits et éditions qui existent. Nous connaissons aujourd’hui 14 manuscrits du texte Artus de Bretagne, qui sont tous datés entre le XIVe et le début du XVIe siècle. Par ailleurs, plusieurs éditions anciennes d’Artus, imprimées entre le XVe siècle et le XVIIIe siècle, nous sont parvenues. Enfin, seulement deux éditions modernes existent. La première est un fac-similé paru en 1996 (cf. bibliographie, « sources »), basé sur l’édition ancienne de 1584. La seconde édition moderne est beaucoup plus récente. Elle a été publiée en 2017 par Christine Ferlampin-Acher, qui en fait également un commentaire critique dans une introduction de 171 pages, en plus de nombreuses notes en bas de pages pour éclairer ou commenter la lecture de l’œuvre. Cette édition moderne comprend plusieurs indications concernant les éditions plus anciennes et nous permet de sélectionner un certain nombre d’études sur la tradition manuscrite et imprimée de l’œuvre. En effet, Christine Ferlampin-Acher donne au lecteur moderne une étude détaillée des différentes versions connues de l’œuvre, puis elle fait un travail de description très élaborée des manuscrits existants. Elle conclut son introduction par une analyse de la langue du manuscrit BnF fr. 761.

À partir de l’édition de Christine Ferlampin-Acher (2017), il nous a été possible de rassembler un certain nombre d’études autour d’Artus, études auxquelles nous avons ajouté quelques titres provenant de la notice bibliographique disponible sur le site Arlima[3]. D’abord, notons l’étude de Sarah V. Spilsbury qui démontre, dans son article « On the Date and Authorship of Artus de Bretagne », que l’œuvre aurait été rédigée entre 1276 et 1312. Elle élabore également une théorie intéressante sur le possible auteur du texte, en donnant certaines indications sur les connaissances particulières de l’auteur[4]. En ce qui concerne la connaissance des manuscrits d’Artus de Bretagne, les travaux du professeur Brian Woledge sont particulièrement utiles. En effet, il a élaboré une première liste des manuscrits dans son article « Les manuscrits du Petit Artus de Bretagne », liste qu’il a complétée par la suite dans sa Bibliographie des romans et nouvelles en prose française antérieurs à 1500. Ces deux études ont permis la réalisation d’une liste exhaustive des manuscrits, laquelle est utile à l’établissement d’une tradition manuscrite. D’un point de vue plus spécifique à notre projet, l’ouvrage Artus de Bretagne, du manuscrit à l’imprimé (XIVeXIXe siècles), dirigé par Christine Ferlampin-Acher, propose plusieurs pistes de réflexions et solutions autour de notre problématique, particulièrement la seconde partie du livre où les auteurs étudient Artus et son évolution entre le XVIe et le XIXe siècle. Ajoutons à cela de nombreux articles écrits par différents auteurs, notamment Grégoire Lozinski, Pierre Colin et Félix Lecoy, tous concernant la description de manuscrits d’Artus de Bretagne. En ce qui a trait aux études sur les éditions d’Artus, l’article de Cedrick Edward Pickford, « Les éditions imprimées de romans arthuriens en prose antérieures à 1600 », établit une liste exhaustive. Cependant, il ne s’intéresse pas aux éditions publiées à partir du XVIIe siècle, travail qui est effectué plutôt par Tcho Hye Young qui, en plus de couvrir la période du Moyen Âge au XIXe siècle, s’intéresse à la « survie » de l’œuvre et analyse donc les changements qui s’opèrent entre les différentes éditions.

Conclusion

À partir de toutes ces études, nous pensons qu’il est possible de réaliser une analyse du passage d’Artus de Bretagne du manuscrit à des éditions imprimées. Nous espérons voir comment ce passage s’effectue, et quels changements s’opèrent au niveau du paratexte, et si possible du texte lui-même. Comme l’a démontré cette courte analyse, plusieurs ouvrages et articles permettront d’appuyer notre réflexion, néanmoins, il nous faudra trouver s’il existe par ailleurs des changements majeurs dans le texte lui-même. Pour l’instant nous connaissons peu d’études à ce sujet, si ce n’est l’analyse proposée par Christine Ferlampin-Acher dans son introduction de l’édition de 2017, analyse qui propose une étude des différentes fins possibles d’Artus. Ainsi, nous poursuivons nos recherches bibliographiques.

Notes

[1] Afin de limiter la quantité de notes en bas de page, nous n’indiquerons pas la référence bibliographique (en note) des auteurs mentionnés dans le texte. Nous vous renvoyons plutôt à la fin de notre article, dans la section « Bibliographie », où l’ensemble des références est détaillé selon un ordre alphabétique de nom d’auteur.

[2] cf. Patrick Moran, Lectures cycliques. Le réseau inter-romanesque dans les cycles du Graal du XIIIe siècle, chapitre 1 « présupposés et méthodes », p. 42.

[3]Arlima est une base de données bibliographiques qui fournit aux chercheurs des indications sur une très grande quantité de manuscrits, principalement de langue latine et française. Créée en 2005, Arlima rassemble autant d’informations bibliographiques que possible sur les manuscrits. C’est un site internet qui, s’il n’est pas encore complètement exhaustif du fait de la méconnaissance de certains documents, est mis à jour régulièrement afin d’offrir l’information la plus complète possible. Sur Artus de Bretagne, il est possible de consulter le lien suivant : https://www.arlima.net/ad/artus_de_bretagne.html.

[4] Sarah Vivienne Spilsbury penche pour un auteur provenant du clergé, probablement habitant en Bretagne française, en témoignent les nombreuses connaissances géographiques présentent dans l’œuvre.

Bibliographie

Source (éditions modernes d’Artus de Betagne)

Artus de Bretagne, fac-similé de l’édition de 1584, présentation par Nicole CAZAURAN et Christine FERLAMPIN-ACHER, Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1996.

Artus de Bretagne, roman en prose de la fin du XIIIe siècle, édition critique du manuscrit BnF fr. 761, éd. Christine FERLAMPIN-ACHER, Paris, Champion, 2017.

Études citées

BADEL, Pierre-Yves, Introduction à la vie littéraire du Moyen Âge, Paris, Bordas, 1969.

BRUN, Laurent, « Artus de Bretagne », Arlima, site des Archives de littératures du Moyen Âge (Arlima), [en ligne] www.arlima.net/artus_de_bretagne [page consultée le 17 octobre 2018]

COLIN, Pierre, « Un nouveau manuscrit du Merlin en prose et de la Suite-Vulgate », Romania, 88 (1967), p. 113-132.

DAUPHANT, Clotilde, « La mise en recueil : diffusion et réception des textes médiévaux », Acta fabula, 12-3 (2011), [en ligne] www.fabula.org/acta/DauphantC [page consultée le 18 octobre 2018]

FERLAMPIN-ACHER, Christine, « Les différentes versions d’Artus de Bretagne », Clore le récit : recherche sur les dénouements romanesques, PRIS-MA, 15 (1999), p. 53-68.

_____, Artus de Bretagne : du manuscrit à l’imprimé (XIVe-XIXe siècles), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2015.

GADRAT-OUERFELLI, Christine, « La diffusion et la circulation manuscrite d’un texte médiéval : l’exemple du Devisement du monde de Marco Polo », dans Elisabeth MALAMUT et Mohamed OUERFELLI [dir.], Les échanges en Méditerranée médiévales, Aix en Provence, Presses Universitaires de Provence, 2012, p. 273-288.

GENETTE, Gérard, Seuils, Paris, Seuil, 1987.

HENRYOT, Fabienne, L’Historien face au manuscrit : du parchemin à la bibliothèque numérique, Louvain-la-Neuve, Presses Universitaires de Louvain, 2011.

LECOY, Félix, « Encore un manuscrit du Petit Artus de Bretagne », Romania, 73, 1952, p. 241.

LOZINSK, Grégoire, « Encore un manuscrit du Petit Artus de Bretagne », Romania, 64 (1938), p. 104-107.

MORAN, Patrick, Lectures cycliques. Le réseau inter-romanesque dans les cycles du Graal du XIIIe siècle, Paris, Champion, 2014.

PICKFORD, Cedrick Edward, « Les éditions imprimées de romans arthuriens en prose antérieures à 1600 », Bulletin bibliographique de la Société internationale arthurienne/The Bibliographical Bulletin of the International Arthurian Society, 13 (1961), p. 99-109.

SPILSBURY, Sarah Vivienne, « On the Date and Authorship of Artus de Bretaigne », Romania, 94 (1973), p. 505-522.

TYSSENS, Madeleine, « L’édition des textes français du Moyen Âge », Revue Belge de Philologie et d’Histoire, 67-3 (1989), p. 522-532.

WOLEDGE, Brian, « Les manuscrits du Petit Artus de Bretagne », Romania, 63 (1937), p. 393-397.

_____, Bibliographie des romans et nouvelles en prose française antérieurs à 1500, Genève, Droz, 1954.

YOUNG, Tcho Hye, « La survie du roman d’Artus de Bretagne du Moyen Âge au XIXe siècle », thèse de doctorat en études médiévales, Paris, Université Paris iv Sorbonne, sous la direction de Philippe Ménard, 1994.

 

 

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