Thème 15. Numérique, nouvelles interfaces : quels changements sur l’écriture (littéraire, documentaire, scientifique) ?

Publié le 16 février 2010

Si les fortes conventions du livre papier et des revues scientifiques contraignent l’écriture (ou la condamnent à des modèles attendus), est-ce que le numérique ne sera pas l’occasion d’en proposer des déclinaisons revisitées, voire innovantes ?

La rhétorique du filé et du développement, propre à la convention du Livre, peut-elle/doit-elle laisser la place à une écriture de la digression, du lien, de l’ouverture hors des frontières du texte par des agrégations en temps réel d’autres contenus ?

Est-ce que l’immédiateté de la publication modifie le rapport avec l’écriture ? Et l’inscription de projets d’écriture dans une périodicité donnée, à la façon du carnet ou du journal intime, bouleverse-t-elle les modalités d’élaboration de l’œuvre, qui serait davantage une stratification d’archives qu’une construction réfléchie ne laissant pas voir ses ficelles ?


10 commentaires (RSS)

  1. Cécile Baltz dit :

    Pour ma part, je voudrais que l’informatique permette une lecture numérique du livre. Il existe déjà des oeuvres numériques, avec des textes créés spécifiquement pour être mis en lien avec le multimédia. Mais dans cette idée de lecture numérique, Il n’y aurait aucune différence entre le support papier ou le support virtuel, cependant le lecteur pourrait choisir ou non d’accompagner sa lecture de médias proposés par l’écrivain ( on reste dans le même univers imaginaire ).
    Les blogues d’écrivains, sont, de mon point de vue, sont souvent assez peu intéressants ( on raconte sa journée, ce qu’on a vu à la télé, les livres qu’on a lu…). En revanche, penser le site internet comme un atelier de création, avec la mise en ligne des journaux d’écriture et la publication des pages crées au fur et à mesure ( on revient aux feuilletons d’Alexandre Dumas ), me semble vraiment innovant.

  2. Et à l’inverse des opportunités apportées par le numérique, quelles habitudes / modes de pensée / organisation l’écrivain classique plume & papier doit-il abandonner pour s’adapter à son « nouveau » public ? Peut-on penser à élaborer un guide de l’écrivain numérique ?

  3. Leroy K. May dit :

    Innovant? Je ne crois pas. Des ateliers du genre existent, certains blogues s’y hasardent, mais la peur de ne pas pouvoir par la suite publier ces journaux d’écriture (car déjà publiés sur un blogue) — ou les oeuvres qui en découlent — contraint plusieurs auteurs à ne pas proposer l’avant-texte d’une oeuvre en devenir. J’en ai rencontré plusieurs qui ne voulaient pas publier sur le Web car ils ne voulaient pas être refusés à des concours, dans des revues, etc.

    Ce qui serait innovant, ce serait de voir des éditeurs ne pas se soucier que l’oeuvre ait déjà été entamée sur le Web; il y en a, c’est certain. Mais la plupart, à ma connaissance, reste sur l’impression qu’il y aurait moins de valeur à (re)publier un texte déjà existant sur le Web, que l’édition papier coûte cher et qu’il ne vaudrait pas la peine de prendre le risque de publier une oeuvre déjà «vieille».

    Mais je suis d’accord avec vous sur un point: le blogue d’écrivain qui raconte sa journée n’a que très peu d’intérêt. Le monde de l’édition contrait-il les auteurs à ne pas utiliser toutes les possibilités du Web? Je n’irais pas jusque-là, mais un terrain de jeu plus libre pourrait permettre aux auteurs d’exprimer ce désir de partager en ligne plus aisément et sans la peur de ne pas pouvoir publier par la suite. Qui sait? Avant, l’auteur allait vers l’éditeur pour publier; aujourd’hui, les éditeurs pourraient très bien aller à la «chasse aux auteurs» en ayant accès à leurs textes en ligne?

    Les moyens de diffusion de l’écriture ont changé; les auteurs et les plateformes d’édition changent, tout comme les éditeurs, les bibliothécaires, les libraires seront également amenés à repenser leurs façons de faire (et cela prendra beaucoup de temps).

    Dans un autre ordre d’idées, il est curieux (et agréable) que vous évoquiez le feuilleton, car un commentaire sur le thème 4 en traite aussi. La littérature numérique en serait-elle une où l’attention est limitée et où il faille susciter l’intérêt par la publication fréquente, en mode feuilleton?

  4. F Bon dit :

    recoupe en partie le thème 11 – est qu’il ne serait pas intéressant de centrer ce thème 15 sur les usages scientifiques et documentaires (y compris lecture par chapitres, questions d’indexations, questions juridiques dans la reproduction d’éléments textuels ou iconographiques collectés sur le Net au contact même de l’événement ou des faits et archives rapportés), et rapatrier les questions touchant au « carnet » et à l’écriture « littéraire » dans le thème 11 ?

  5. René Audet dit :

    Oui, François, il y a recoupement… mais dans le cas présent, c’est aussi une réflexion sur les interfaces : comment l’écriture s’accommode de la mise en espace, comment la mise en espace doit être pensée en fonction de l’écriture.

    À ce sujet, les slides d’Evan Doll sur le design dans le contexte du iPad (mais ça concerne toutes les tablettes et une part des liseuses) : http://www.slideshare.net/edog1203/stanford-cs193p-designing-for-ipad

  6. Leroy, on assiste au contraire à un petit boum d’éditeurs qui décident de publier des blogs (avec des inédits). Les blogs comme champs de talents existent déjà.

    Que devrait être selon vous un blog d’écrivain? L’énergie investie dans la mise en place d’un blog d’écrivain qui se voudrait un champ créatif (vol d’idées?), des ateliers (gestion longue et lourde et ce ne sont pas tous les auteurs qui ont les compétences de dirlitt) ne serait pas investie dans l’Oeuvre.

    L’écrivain ne serait plus écrivain. Il deviendrait un animateur quelconque. Disparition de l’écrivain, disparition de la littérature…

    Au contraire, pour certains, l’écrivain au quotidien désacralise peut-être l’auteur et l’humanise. Et le blog comme défouloir permet d’investir plus d’énergie et de coeur à la littérature.

  7. F Bon dit :

    ça me fait penser à cette question reçue la semaine dernière du Figaro : « L’écriture instantanée, la réaction à chaud, l’exposition de soi sur le net ne menacent-elles pas le travail de l’écrivain ? »

    est-ce qu’on prend le risque, ou pas ? j’aime de moins en moins ce fétichisme de l’Hécrivain, et ce préjugé sur soi-disant isolement en société : ni Proust ni même Beckett ni Flaubert ni Rabelais ni et ni et ni n’étaient des bonshommes sous boule de verre, on ne les qualifie pas d’animateurs « quelconques » pour autant ? !

    (pauvre de moi, qui viens de passer 2 fois 3h à l’UdeM animer la jeunesse pour un peu de littérature en partage!)

  8. Non, mais on n’attendait pas d’eux qu’ils animent des blogs d’auteurs fascinants et éducatifs non plus. Il y a une marge entre l’écrivain reclus qui écrit (une ineptie selon moi) et l’écrivain public qui consacre plus de temps à gérer autre chose que son texte.

    Je ne comprends pas très bien ce qu’on devrait attendre des blogs d’auteurs et des auteurs eux-mêmes dans ce contexte.

  9. Il y a des gens dont c’est le rôle et la passion. Ce n’est pas le cas de tous! 🙂

  10. Leroy K. May dit :

    Émilie, certes certains blogues d’éditeurs proposent des textes inédits, mais c’est loin d’être une majorité qui adhère à cette nouvelle réalité. C’est plutôt l’exception.

    Le blog en tant que laboratoire où la littérature se meurt et l’auteur disparaît?! Le blog n’est qu’un moyen de publication supplémentaire. Avant on publiait à compte d’auteur; aujourd’hui on publie un blog et ce n’est pas moins noble. Reste à déterminer pourquoi on publie un blog et pourquoi on publie un roman papier/numérique.

    “L’écriture instantanée, la réaction à chaud, l’exposition de soi sur le net ne menacent-elles pas le travail de l’écrivain ?”

    Peut-être. C’est aussi une autre façon d’écrire et de se nourrir de celui qui a le courage de commenter un texte en développement. Une écriture où le lecteur participe, remodèle l’intrigue, oriente l’aventure. Therry Crouzet l’explore bien dans son Croisade.