Et puis on montait à Montréal et on descendait à Montréal aussi (Mahigan Lepage)

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Et puis on montait à Montréal et on descendait à Montréal aussi, quand je restais dans le Bas-du-Fleuve on montait à Montréal et quand je restais en Outaouais on descendait à Montréal, parce qu’à partir du Bas-du-Fleuve il fallait remonter le fleuve Saint-Laurent et à partir de l’Outaouais il fallait descendre la rivière des Outaouais jusqu’au fleuve Saint-Laurent, mais c’était pas le fleuve qu’on remontait c’était pas la rivière qu’on descendait, c’étaient les routes et les autoroutes le long du fleuve et le long de la rivière mais ça je l’ai déjà dit. Qu’on soit dans le Bas-du-Fleuve ou qu’on soit en Outaouais Montréal c’était toujours la grande ville, la très grande ville, Montréal c’était la plus grande ville du Québec, ça voulait dire quelque chose, monter à Montréal, descendre à Montréal, ça impressionnait Montréal pour nous qui habitaient pas à Montréal. Même en Outaouais Montréal ça impressionnait Montréal, même si c’était pas si loin de l’Outaouais Montréal et que il y avait Hull et Ottawa pas si loin non plus, mais quand même c’était pas pareil parler de Montréal ou parler de Hull et Ottawa, Hull et Ottawa c’était l’Outaouais aussi c’était ici c’était plus proche et moins grand alors que Montréal c’était là-bas c’était plus loin c’était plus grand et tout et tout. Alors même en Outaouais on parlait de Montréal, on disait J’ai été à Montréal, Je vais aller à Montréal, Il y a un show à Montréal, à Montréal il y a ceci et il y a cela qu’il y a pas ici et ainsi de suite. Et dans le Bas-du-Fleuve c’étaient les mêmes phrases, on disait J’ai été à Montréal, et on disait Je vais à Montréal, et on disait Il y a un show à Montréal, et on disait à Montréal il y a ceci et il y a cela qu’il y a pas ici et ainsi de suite. Mais dans le Bas-du-Fleuve Montréal c’était plus loin, c’était beaucoup plus loin, on y allait pas souvent, à Montréal, dans le Bas-du-Fleuve, il fallait faire beaucoup de route pour y aller, à Montréal, dans le Bas-du-Fleuve. C’était cinq heures ou six heures de route pour se rendre Montréal alors on y allait pas souvent, à Montréal, mais on y allait quand même des fois, à Montréal. Et moi j’y allais plus souvent que les copains, à Montréal, parce que mon père il habitait en Outaouais et ma mère elle habitait dans le Bas-du-Fleuve et qu’un moment j’habitais avec mon père en Outaouais et un autre moment j’habitais avec ma mère dans le Bas-du-Fleuve et que pour aller voir ma mère dans le Bas-du-Fleuve ou pour aller voir mon père en Outaouais il fallait que je passe par Montréal. Des fois je faisais rien que passer à Montréal et c’était tout, je prenais le bus et je faisais un transfert à Montréal un transit mais je restais pas longtemps à Montréal, je couchais pas à Montréal, je restais juste le temps du transfert du transit et une fois je me souviens j’étais sorti du terminus j’étais entre deux autobus et j’étais allé dans le petit parc devant le terminus, il y avait plein d’itinérants et de punks et de gens louches dans le parc et je m’étais assis et je m’étais roulé un joint et y avait des gens louches qui étaient venus me voir et ils s’étaient assis à côté de moi et ils avaient fumé le joint avec moi et ils parlaient mais on comprenait presque rien à ce qu’ils disaient et puis après je m’étais levé et j’étais retourné dans le terminus et j’avais pris un autre bus, je sais plus si cette fois-là je venais de chez ma mère et j’allais chez mon père ou si je venais de chez mon père et j’allais chez ma mère peu importe. Donc des fois je faisais que passer à Montréal mais d’autres fois je venais plus longtemps à Montréal, je restais à Montréal quelques jours. Je me souviens la première fois que j’ai resté quelques jours à Montréal, pas la première première fois, pas quand j’étais enfant, quand j’étais enfant je me rappelle la première fois que je suis venu à Montréal, j’avais un problème à l’œil je louchais alors je devais me faire opérer et mes parents m’avaient mis dans un avion à Charlo au Nouveau-Brunswick et j’avais pris l’avion tout seul je me souviens dans le cou j’avais une cocarde c’était écrit en gros ENFANT TOUT SEUL et j’étais assis à côté d’un type il avait un crochet à la place de la main et il essayait de me faire peur il disait Je me suis fait ça en tombant de l’avion et moi je comprenais pas comment on pouvait tomber de l’avion et je me rappelle aussi que par le hublot je voyais un tapis de nuage on volait au-dessus des nuages j’ai douté longtemps que j’avais vu ça je croyais que c’était pas possible que j’avais fabriqué ça dans ma tête d’enfant jusqu’à ce que plus grand je reprenne l’avion et je me rende compte que j’avais pas rêvé on volait au-dessus des nuages et ça faisait comme un tapis tout cotonneux. Enfin cette fois-là j’avais atterri à Montréal, c’était la première fois que j’allais à Montréal, je connaissais rien que la ferme et la forêt et les montagnes et les chevaux et tout à coup je me retrouvais à Montréal dans la grande ville. Mon oncle qui était riche était venu me chercher à l’aéroport et on avait marché dans la ville, il m’avait acheté des cotons ouatés de football ou de je sais pas quoi et il habitait au trente-sixième étage d’une tour dans le centre-ville de Montréal il fallait prendre l’ascenseur c’était impressionnant et de là-haut on voyait les lumières de la ville, je comprenais rien à rien à ce que je voyais moi, je venais de L’Ascension-de-Patapédia moi. Et voilà comment j’étais allé en ville la première fois, je veux dire la première première fois, quand j’étais enfant, mais là je parle pas de ça, je parle de la première fois que je suis allé à la ville par mes propres moyens, la première fois qu’on est allés à la ville par nos propres moyens, les copains et puis moi, pas avec les parents et même pas avec l’autobus Voyageur, la première fois qu’on est allés à Montréal par nos propres moyens je me souviens plus c’était comment mais c’était sûrement sur le pouce, je suis presque sûr que c’était sur le pouce. Je devais avoir à peu près quinze ans, c’était avant que je déménage dans le Bas-Saint-Laurent chez ma mère alors j’avais pas encore seize ans, je devais avoir quinze ans et avec mon meilleur copain celui qu’on appelait Peanut on avait monté à Montréal, je dis monté parce qu’on disait monté parce qu’on était en Outaouais, on avait monté à Montréal et je sais plus comment mais c’était sûrement sur le pouce je me souviens pas, et puis à Montréal on avait été dans l’appartement de son beau-frère le copain de sa soeur. Il habitait proche du métro Henri-Bourassa le beau-frère de Peanut c’était la dernière station de métro tout en haut sur la ligne orange, il habitait sur le boulevard Henri-Bourassa il y avait rien par là-bas que des maisons et des voitures, il y avait pas de cafés et pas de boutiques, il y avait pas ce genre d’endroits où j’aimais bien aller quand j’allais dans une grande ville. Et avec Peanut on s’était enfermés dans l’appartement de son beau-frère sur le boulevard Henri-Bourassa et on était pas sortis de l’appartement de son beau-frère sur le boulevard Henri-Bourassa pendant je sais plus combien de jours, deux, trois, quatre jours peut-être à rester dans l’appartement du beau-frère sur le boulevard Henri-Bourassa sans du tout sortir de l’appartement du beau-frère sur le boulevard Henri-Bourassa. Et tout ce qu’on faisait c’était fumer du hasch, le beau-frère il se fournissait à l’étage au-dessus, lui il habitait dans le demi-sous-sol du bloc et son voisin au-dessus c’était un pusher et c’est là qu’il allait pour acheter son hasch. On fumait le hasch au couteau, on appelait ça fumer au couteau, il fallait allumer le rond du poêle et chauffer les couteaux sur le rond du poêle et puis coller une bite de hasch sur un couteau chauffé et l’écraser avec l’autre couteau chauffé et puis aspirer la fumée qui montait. C’était dur et ça faisait mal, fumer au couteau, parce que la fumée elle était chaude et ça brûlait la gorge et je m’étouffais tout le temps et je toussais mes poumons à chaque fois que je prenais un plomb au couteau, on appelait ça un plomb, on disait faire des plombs au couteau. Et puis on fumait trop et le hasch du beau-frère il était bien trop fort et j’étais tout affecté à la longue j’étais tout blême tout malade, des fois j’avais comme des chutes de pression je voyais plus rien je pensais que j’allais m’évanouir et puis ma vision revenait et Peanut et son beau-frère ils trouvaient ça drôle, ils riaient de moi parce que ça me rendait malade, de fumer au couteau, et ils en rajoutaient et ils insistaient pour que je fume plus et plus, et moi j’étais trop incertain trop faible pour dire Non je veux plus je peux plus, alors je continuais à fumer des plombs au couteau. Et pendant des jours et des jours ç’avait été comme ça, on était restés enfermés dans l’appartement sur le boulevard Henri-Bourassa et on fumait au couteau, et on mangeait mal et presque pas, et je me sentais pas bien, je me sentais malade mais je restais parce que j’aimais Peanut et à cette époque-là j’avais l’impression que Peanut c’était presque la seule personne au monde qui m’aimait, les adultes m’avaient déçu comme c’était pas possible et je me sentais abandonné, et les autres à l’école ils étaient violents et ils étaient méchants, mais Peanut il m’avait accepté et c’était mon copain mon seul copain mon meilleur copain. Alors je faisais comme lui et lui il aimait ça, passer deux trois jours dans un demi-sous-sol sur le boulevard Henri-Bourassa à fumer du hasch comme une cheminée, il était bien là-dedans et c’est pour ça peut-être qu’il est descendu aussi bas après, après que j’étais parti de l’Outaouais pour le Bas-du-Fleuve, moi j’ai remonté après dans le Bas-du-Fleuve mais lui il s’est enfoncé en Outaouais, il s’est mis à faire de l’héroïne et il allait à Montréal juste pour traîner dans la rue et faire de l’héro et il se payait son héro en faisant du squeeg et puis d’autres trucs aussi plus tard je veux pas en parler, la dernière fois que je l’ai vu c’était par hasard à Montréal il faisait du squeeg Je suis sur une dérape qu’il m’a dit je l’ai jamais revu je sais pas s’il est mort. Il était comme ça Peanut mais moi j’aurais voulu sortir de l’appartement du beau-frère et aller voir la ville, on était à Montréal et il y avait plein de choses excitantes à voir mais Peanut ce qui l’excitait c’était fumer du hasch au couteau dans l’appartement de son beau-frère et rien d’autre. C’était pas drôle descendre à Montréal avec Peanut, c’était pas pareil plus tard quand je montais à Montréal avec des copains de Rimouski, là on avait moins l’impression de s’enfoncer on avait l’impression de monter oui, un peu comme si on levait la tête au-dessus d’un mur pour voir le monde de l’autre côté c’était comme ça que je me sentais quand j’allais à la ville plus tard après avec des copains de Rimouski ou tout seul. Et quand je pense à monter à Montréal à partir du Bas-du-Fleuve je pense toujours à cette fois qu’on était montés à trois, il y avait une fille de Rimouski et puis il y avait une fille de Sainte-Marthe-sur-le-Lac proche de Montréal, la fille de Rimouski c’était une amie qui se tenait dans notre gang d’amis de Rimouski et qui avait sorti longtemps avec un copain de la gang, et la fille de Sainte-Marthe c’était l’ex d’un copain de l’Outaouais qui était un ami de Peanut qu’on appelait Bibitte qui avait déménagé à Deux-Montagnes au nord de Montréal et il avait sorti avec cette fille de Sainte-Marthe-sur-le-Lac. Et une fois j’étais allé visiter Bibitte avec Peanut et cette fille elle était là et pendant que j’étais là la fille elle avait largué l’ami Bibitte et elle était partie dans le Bas-du-Fleuve avec moi, et elle avait passé une semaine dans le Bas-du-Fleuve avec moi, et elle avait couché dans mon lit c’était la première fois j’avais seize ans, et plus tard il allait se passer un peu la même chose avec la fille de Rimouski, d’abord elle sortait avec un de mes amis et puis ils avaient cassé et moi j’avais commencé un truc avec la fille de Rimouski mais après quelques semaines elle m’avait largué et elle avait commencé un truc avec un autre copain de la gang, et puis après avec un autre encore, cette fille elle faisait le tour des copains elle m’avait brisé le cœur quand elle m’avait largué cette fille j’étais triste. Pour l’instant on montait à Montréal les trois ensemble, la fille de Sainte-Marthe et la fille de Rimouski, la fille avec qui je venais juste d’avoir une affaire et la fille avec qui j’allais avoir une affaire un peu plus tard au retour de Montréal. Et la fille de Rimouski qui était jalouse elle avait voulu nous séparer la fille de Ste-Marthe et moi, elle avait commencé à déblatérer contre la fille de Sainte-Marthe dans son dos, et ç’avait marché son truc j’étais tombé dans le panneau et moi aussi je m’étais mis à déblatérer contre la fille de Sainte-Marthe et à rire dans son dos. On faisait du pouce à trois et c’était pas facile, le pouce à trois, alors des fois je me cachais dans les buissons parce que j’étais un gars et que les autos ils aiment mieux embarquer deux filles que deux filles et un gars et même une fois on s’était cachés tous les deux la fille de Rimouski et moi et on avait laissé la fille de Sainte-Marthe faire du pouce toute seule. Elle faisait du pouce en top, elle appelait ça un top c’était une sorte de haut de bikini et elle portait ça avec une mini-jupe et elle faisait du pouce comme ça, en top et en mini-jupe et elle disait que comme ça les autos allaient arrêter. Et nous avec la fille de Rimouski on était cachés dans le buisson et on riait d’elle on riait de son top on disait qu’elle était habillée comme une pute avec son top et sa mini-jupe. Mais ç’avait quand même marché, son truc de top et de minijupe et il y a une auto qui s’était arrêtée et on était sortis du buisson et l’auto elle était pas repartie même si on s’était cachés et puis on avait monté dans l’auto et on avait monté à Montréal. Et on roulait sur l’autoroute 20 et on roulait sur le pont Jacques-Cartier et on roulait dans les rues de Montréal et la fille de Sainte-Marthe elle était assise devant et la fille de Rimouski et moi on était assis derrière et on parlait dans le dos de la fille de Sainte-Marthe et on riait dans le dos de la fille de Sainte-Marthe. Et le chauffeur de l’auto il nous avait débarqués devant la gare centrale la gare de train et la fille de Sainte-Marthe elle avait pas dit au revoir ça paraissait qu’elle était fâchée elle nous avait tourné le dos et elle avait entré dans la gare centrale la gare de train et elle avait pris le train de banlieue et elle était retournée chez elle à Sainte-Marthe-sur-le-Lac et je l’ai plus jamais revue cette fille. Et la fille de Rimouski et moi on avait passé du temps à Montréal, je sais plus combien de jours, je me souviens même pas où on avait dormi, je me souviens juste de l’excitation d’arriver dans la ville, de la foule sur les trottoirs et des klaxons et de ce que ça allumait dans ma tête tous ces bruits et toutes ces images et tous ces mouvements. Je me souviens de la rue Sainte-Catherine, c’était la première rue où on allait, à Montréal, la Sainte-Catherine, c’était notre repère principal, la Sainte-Catherine. Il y avait plein de boutiques, sur Sainte-Catherine, des boutiques de t-shirts et des boutiques de sexe et des boutiques de pipes et de papier à rouler. Et on s’achetait des t-shirts, je m’étais acheté un t-shirt je me souviens c’était écrit dessus Thank you for pot smoking et je m’étais acheté un autre t-shirt c’était un t-shirt Zig-Zag, Zig-Zag c’était le papier qu’on prenait pour rouler nos joints, sur le t-shirt il y avait le logo de Zig-Zag, une espèce de Zouave avec une barbe noire et une moustache retroussée et un bonnet dans le genre arabe. Et puis on allait dans les boutiques de fumerie et on achetait des pipes et on achetait du papier à rouler. Dans les boutiques de sexe on y allait pas, ça nous intéressait pas vraiment mais ça nous fascinait, de dehors on voyait les images de corps et les gros dildos et tout et tout. Et puis il y avait Les Foufounes électriques, c’était un bar que tout le monde connaissait, Les Foufounes électriques, un bar dans le genre un peu trash, mais on était encore trop jeunes pour aller aux Foufounes électriques, on avait seize ans et on pouvait pas aller aux Foufounes électriques, j’avais une fausse carte à seize dix-sept ans une carte d’étudiant avec une fausse date de naissance mais je pense pas que je m’en suis servi pour entrer aux Foufounes électriques. De toute façon à cet âge-là l’alcool ça nous intéressait pas tant que ça, la plupart du temps on préférait fumer et prendre du buvard et prendre du champignon à cet âge-là. Et cette fois-là je m’en souviens on avait essayé d’acheter du buvard mais on s’était fait avoir. On connaissait personne, on connaissait pas Montréal, on venait du Bas-du-Fleuve et on aurait voulu acheter une feuille de buvards. On avait seize ans et on croyait qu’on pouvait acheter une feuille de buvards comme ça, dans la rue. Montréal c’était pas une ville, pour nous, c’était une fiction Montréal, et dans cette fiction Montréal c’était une sorte de paradis de la drogue, on trouvait de tout et facilement dans cette ville-là, cette ville-là qu’on imaginait mais qui existait pas vraiment. Alors on avait traîné sur Sainte-Catherine et sur Saint-Laurent et on s’était mis à chercher du buvard. Sur Sainte-Catherine il y avait ce bâtiment qui m’impressionnait, c’était un bloc de béton tout vertical et autour c’étaient que des parkings et sur les flancs du bâtiment il y avait des grands dessins des murales genre trash et en bas ils vendaient des pâtisseries ça s’appelait des queues de castor. C’est dans ce coin-là qu’on traînait, et on devait avoir l’air de chercher quelque chose parce qu’il y a un type c’était un grand noir il nous a adressé la parole et il nous a demandé Vous cherchez quelque chose ? et nous on lui a dit On cherche du buvard et lui il a dit Oui j’en ai je peux en avoir ça sera pas long et il a hélé un de ses copains un autre type noir et il a dit Attendez avec ce gars-là je vais aller chercher le buvard je reviens dans cinq minutes et je me rappelle pendant que l’autre type le grand il était parti on a parlé avec son copain qui était moins grand mais plus trapu et le copain de l’autre il nous avait demandé d’où on venait et on lui avait dit qu’on venait du Bas-Saint-Laurent et on lui avait demandé s’il connaissait ça le Bas-Saint-Laurent et il avait dit Non et on lui avait demandé s’il était déjà sorti de Montréal et il avait dit Non et nous ça nous paraissait hallucinant que quelqu’un ait passé sa vie à Montréal sans jamais sortir de Montréal. Et puis enfin son copain le grand il était revenu et il avait dit qu’il avait le buvard mais que pour la transaction il pouvait juste y avoir une personne et nous on était nerveux et il fallait décider vite et c’est la fille la fille de Rimouski qui avait l’argent alors je lui ai dit Vas-y et c’était quoi qu’on payait, cent dollars, deux cents dollars en tout cas pour nous c’était beaucoup c’était une fortune et moi j’ai attendu au bord du bâtiment avec les murales trash dessus et les queues de castor en bas que mon amie elle revienne et quand elle est revenue elle m’a montré ce que le type lui avait donné en échange de nos cent dollars ou nos deux cents dollars et c’était des petits bouts de cartons tout mal découpés dans un sac de plastique c’était pas des buvards c’était pas une feuille de buvard on s’était fait avoir c’était évident, on les a quand même avalés les bouts de carton juste pour être sûr mais c’était évident on s’était fait avoir ç’a rien fait d’avaler les petits bouts de carton tout mal découpés ç’a rien fait du tout. Et moi je lui avais reproché à la fille de pas avoir regardé ce qu’elle achetait et elle elle s’était justifiée et tout et tout, et même longtemps après de retour à Rimouski elle avait continué à dire que j’étais là quand on avait fait la transaction alors que c’était pas vrai j’étais pas là j’attendais au bord du bâtiment avec les murales trash dessus et les queues de castor en bas et ça me fâchait qu’elle essaye de mettre ça sur mon dos alors que c’était sa faute à elle si on s’était fait avoir à Montréal et qu’on avait perdu notre argent. Mais voilà, c’était comme ça Montréal et c’était pas pareil Montréal quand on connaissait aussi peu de Montréal aussi peu de la grande ville c’était pas pareil quand on arrivait de l’Outaouais ou bien du Bas-du-Fleuve et qu’on était pas habitués à la ville, que partout c’était comme une surprise et une excitation et tant pis même si à cause de ça on s’était fait avoir, on était naïfs mais c’est parce qu’on était naïfs encore qu’on pouvait tout sentir de la ville et tout voir de la ville et s’émerveiller des boutiques et des t-shirts et des bâtisses et des foules sur les trottoirs et du métro et des bars où on pouvait pas aller et des sex-shops où on voulait pas aller et tout et tout et plein d’autres choses encore. Et puis il y avait le Plateau avec ses rues et ses maisons tout collées les unes sur les autres et puis ses cafés dans le genre artistes et puis il y avait le Tamtam au Mont-Royal les dimanches où ça dansait et ça fumait et ça jouait au aki, on en rirait de tout ça aujourd’hui vous en riez aujourd’hui mais pour nous c’était tout c’était la fête et c’était la découverte Montréal, la grande ville, la très très grande ville Montréal où on savait pas où il était le nord et où il était le sud et où il était l’est et où il était l’ouest, Montréal où on se perdait, où on pouvait encore se perdre, on sortait d’une bouche de métro et c’était l’inconnu on savait pas où on était. C’était avant de connaître bien Montréal parce qu’après ma soeur a eu son appartement à Montréal et je me suis mis à aller la voir dans son appartement et à rester plus longtemps à Montréal, et puis moi aussi j’ai eu mon appartement et je me suis mis à rester tout le temps à Montréal et à connaître la ville et à connaître les endroits et à plus être surpris au coin d’une rue de tomber sur tel commerce ou sur tel café ou tel parc et puis à savoir où il est le nord et où il est le sud et où il est l’est et où il est l’ouest et à plus être perdu en sortant des métros. C’était avant tout ça qu’on montait à Montréal avant tout ça qu’on descendait à Montréal aussi, c’était avant tout ça que Montréal c’était pas là où on revenait c’était là où on allait et puis il fallait repartir j’avais mes trucs je prenais des bus je rejoignais l’autoroute je levais le pouce et avec la fille de Rimouski le retour ç’avait pas été facile je me rappelle on avait passé des heures sur la 20 devant Québec sous le viaduc il faisait chaud elle avait pleuré.