Mettons que je parle de Québec (Pedro Carbajal)
Avec sa tuque de cassonade,
et ses fêtes bien arrosées.
Avec sa sirène en grève,
puis ses gants en polar.
Son « che peux pas asteure »
son dictionnaire du joual.
Son « j’vas aller te chercher »
les trente kilos de son petit pain.
Avec ses filles sévères et pudiques
dès que l’hiver montre ses dents.
Et à moitié nues, quand le soleil
n’est pu en congé syndical.
Ses pompiers mal payés,
ses morveux dans les rues.
Son port sans passagers,
ses mensonges de bienvenue.
Ses églises à vendre,
et la foi sans lieu commun,
sa rancune envers la dissidence,
« faut la tuer d’un seul coup ».
Ses suicidés sans souci,
ses services d’aide à tout,
ses poètes dans le vinaigre,
qui jeûnent des mots doux.
Les statues du Parlement,
qui montrent le mauvais profil,
Duplessis et Gandhi ensemble,
et les autres, dos au public.
Les filles ne veulent pu être des princesses
et les gars se sont mis à chasser
le bonheur dans un pichet de bière,
mettons que je parle de Québec.
Avec son hiver implacable,
avec sa modestie en acier,
avec ses mines dominées,
par les capitaux étrangers.
Son rite de passage
à la solitude sans égal,
Riopelle qui s’ennuie tout seul,
au Musée des Beaux-arts.
Avec ses enfants plein de jouets,
et des gardiennes qui jouent à la maman,
et son égoïsme qui montre le fouet
dans le sourire de papa.
Quand la mort viendra me chercher,
amenez-moi dans le Sud, où je suis né.
Ici, la loi est riche et blanche,
mettons que je parle de Québec.