À propos de l’atelier
L’examen de la littérature contemporaine a posé sous toutes les formes la question de sa fin. Depuis l’annonce de son extinction, de la perte de son statut et l’imaginaire rattaché à l’idée de fin, jusqu’à l’interrogation fondamentale mais renouvelée dans la dernière décennie de son utilité, de son rôle, de sa finalité, le discours critique multiplie les réflexions générales sur ce que peut la littérature aujourd’hui. Cette approche néglige toutefois d’examiner les moyens du récit contemporain – de quelles ressources, de quels outils dispose-t-il ? Une certaine poétique de la narrativité demande toujours à être définie, particulièrement en regard des moyens que la littérature se donne pour mener à bien son entreprise de représentation.
Le moyen peut être défini comme un intermédiaire, ainsi que le suggère son étymologie. C’est ce qui vient entre : entre le réel et sa perception, entre le monde et sa représentation. Dans cet espace médian, la littérature narrative déploie toute une batterie d’outils et de dispositifs où se trouve médiatisé le rapport de l’écriture avec l’espace, le temps, la vision… On peut penser par exemple à la médiation photographique qui détermine le regard que déploient plusieurs auteurs depuis le milieu du XIXe siècle, ou aux moyens de transport modernes – train, automobile, avion, etc. – qui ont modifié la perception et la représentation littéraires de l’espace et du temps, ou encore au rôle que jouent les interfaces informatiques et numériques dans la narrativité de certains textes contemporains.
Cet atelier vise à examiner ces différentes formes de médiation structurant la littérature narrative actuelle. Il ne s’agira pas d’interroger la thématisation ou la représentation des technologies dans les textes, ni les rapports intermédiaux qui s’établissent entre l’écriture et les autres médias. Les moyens du récit ne sont pas obtenus par simple transposition de techniques extérieures; c’est en puisant à ses propres ressources langagières et narratives que la littérature se donne les moyens de la mise en récit. Aussi, on ne se demandera pas comment tel texte imite ou importe des médias ou des techniques exogènes, mais comment il construit de l’intérieur un regard « photographique », une parole « radiophonique » ou un mouvement « ferroviaire » – ces termes n’étant plus, pour le coup, exclusifs aux procédés dont ils sont issus (c’est ainsi que Rosalind Krauss, par exemple, a pu autrefois déceler du photographique en dehors de la photographie). Dans les études littéraires, quelques hypothèses stimulantes ont déjà été avancées çà et là, en amont de nos travaux : pensons à ce que Marie-Pascale Huglo a appelé, dans Le sens du récit, les « appareillages narratifs », ou à ce qu’une équipe de chercheurs de l’Université Toulouse-Le Mirail (Philippe Ortel, Stéphane Lojkine…) étudie sous le nom de « dispositif ».
Par la formule « atelier », nous désignons un espace de réflexion et de travail ouvert à la fois aux chercheurs et aux créateurs, aux théoriciens et aux praticiens.